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Critique de franksinatra


Dans le monde interlope des joueurs de poker au fond des arrière-salles des cafés miteux ou dans des entrepots désaffectés de Paris ou de province, les filles payent leurs dettes avec leur corps livrés en pature aux gagnants et les mecs s'en tirent à bon compte avec les genoux éclatés et les mains écrabouillées s'ils ne crèvent pas la tête défoncée à coups de barre de fer dans un bois sombre ou dans la boue d'un terrain vague. C'est dans ce monde que vivent Zack, Baloo et Maxine, au milieu des gangsters à la détente facile et des gogos et pigeons de tous poils. Les deux premiers sont amis d'enfance. Zack a grandi, élevé à la dure par un père joueur professionnel qui lui a tout appris de l'art du bluff, lui donnant plus souvent des "jetons" que de la tendresse et de l'amour. Son pote Baloo, un grand noir balèze, est suicidaire depuis l'accident de voiture qui a anéanti toute sa famille le laissant seul avec le syndrome du rescapé. Il surnage en tabassant les types qui s'en prennent aux filles dans les ruelles glauques des quartiers mal famés où il rôde la nuit pour jouer au justicier. Maxine, quant à elle, est une jeune femme qui vit avec au fond d'elle un traumatisme qui la hante et qui la bouffe, la poussant à se scarifier pour l'exorciser. En vain. Dans ce monde hyper macho et sexiste, la belle Maxine ne s'en laisse pourtant pas compter et possède les arguments pour remettre à leur place les slaes types qui lui manquent de respect : son talent aux cartes où son flegme lui permet de ne jamais dévoiler son jeu et le flingue qu'elle trimbale dans son sac. Fatalement, dans ce petit monde sordide, ce brelan d'individus étaient appelés à se rencontrer et à unir leurs cartes pour soigner leur mal-être dans une partie finale où ils jouent leur vie pour assouvir une vengeance et peut-être trouver l'amour lors d'un road trip haletant.

Je ne connaissais pas Benoît Philippon mais j'avais vaguement entendu parler de "Mamie Luger", alors quand le hasard (et ma soeur ainée) a mis "Joueuse" entre mes mains je me suis laissé aller à satisfaire ma curiosité naturelle de lecteur face à un écrivain inconnu qui commence néanmoins à se faire un nom. Et j'ai bien fait ! Benoît Philippon nous propose un polar résolument moderne tant sur le thème que par le style qu'il développe. A l'époque de #metoo et de #balancetonporc, les machos n'ont qu'à bien se tenir. Il ne s'agit pas, pour Maxine comme pour Baloo, de seulement libérer la parole mais de rendre coup pour coup, la première en humiliant les gros connards irrespecteux, le second en se servant de ses poings pour fracasser physiquement ces ordures. C'est donc trash, gore, et violent dans les faits comme dans la description précise des faits, des bastons, tortures et autres scènes de sexe. le style est vif, tranchant mais l'humour, noir, comme parade au désarroi et à la tristesse qui étreignent nos héros n'est jamais bien loin. Il y a même une certaine tendresse dans les rapports entre Maxine et Jean, son jeune voisin surdoué de sept ans, battu par sa mère alcoolique, qui se retrouve à ses côtés dans sa quête de vengeance pour tempérer ses excès et apporter de la douceur et de l'intelligence dans cet univers dépravé et bestial. Avec "Joueuse", Philippon a dans sa main un full aux valets par les dames. Il ne rivalise pas encore, à mon goût, avec Goodis ou Irish qui ont posé sur la table quelques belles quintes flush mais ce début de partie est prometteur et je suivrai avec plaisir, si comme James Hadley Chase, il peut écrire "une manche et la belle".
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