Citations sur Un mystère Adèle Sharp, tome 1 : Laissé pour mort (20)
Adèle était grande, mais pas non plus immense. Plus jeune, Robert avait joué au football dans une équipe semi-professionnelle en Italie, mais il était revenu en France après avoir été recruté dans les années cinquante par le gouvernement français, bien avant la naissance de la DGSI. Aujourd’hui, tout comme ses cheveux, sa moustache était teinte en noir.
Adèle n’avait jamais été très douée pour supporter les défauts des autres. Certains la trouvaient suffisante, mais elle se considérait déterminée.
Quand le psy l’avait trompée avec une amie en commun, elle avait décidé que cette relation avait atteint son terme.
Adèle se pencha pour récupérer son attaché-case et sortir son ordinateur portable.
Pourquoi tuait-il en se basant uniquement sur l’âge ? Qu’est-ce que tout cela signifiait ? Du sang, du sang, toujours du sang.
Une autre scène de crime, un autre tueur, un autre meurtre. Les informations bouillonnaient dans l’esprit d’Adèle, lui donnant la chair de poule tandis qu’elle fixait résolument l’extérieur, par les grandes baies vitrées. Quand le tueur Benjamin s’arrêterait-il ? C’était comme un compte à rebours, un défi.
Les petites habitudes se renforçaient avec le temps. Les minutes perdues le matin se transformaient en minutes perdues dans la journée. Angus l’avait souvent taquinée parce qu’elle mangeait ses céréales sous la douche, en particulier la fois où elle avait accidentellement avalé du savon, mais c’était l’une des habitudes dont elle refusait de se défaire. Le secret de la réussite résidait dans la routine.
Ceux qui se cachaient la tête dans l’oreiller ne parviendraient jamais à grand-chose dans la vie.
À maintenant quinze ans, Adèle découvrait que les garçons de Paris lui accordaient plus d’attention que les jeunes Allemands. Pourtant, alors qu’elle examinait le flux des élèves du lycée bilingue, elle ne put s’empêcher de ressentir une bouffée d’anxiété.
Elle avait grandi avec trois passeports, trois nationalités, trois loyautés comme certains le considéraient et avait dû supporter toutes sortes de commentaires et de railleries sur son apparence, sur son héritage. Sous beaucoup d’aspects, elle avait la peau dure. Les pervers des avions ne lui faisaient pas peur.
Mais la vulnérabilité ? L’intimité ? Échouer dans ces domaines la laissait toujours avec une profonde haine d’elle-même, alimentée par l’humiliation et la peur. Elle sentait ces sentiments se frayer un chemin en elle maintenant, anéantissant son calme intérieur, démolissant sa façade.
Elle avait beau aimer les voyages – elle avait l’exploration et l’aventure dans le sang –, elle avait toujours voulu trouver quelqu’un avec qui voyager. Angus était parfait. Il était gentil, drôle, riche, beau. Il cochait toutes les cases auxquelles Adèle pouvait penser. Elle avait décidé de ne plus jamais sortir avec quelqu'un du Bureau – c’était devenu une règle. Après tout, ça n’avait jamais fonctionné dans le passé.
Il tuait ses victimes avec l’âge pour seul critère. Le sexe, l’apparence, l’origine ethnique ne comptaient pas pour lui. Il avait commencé avec cet homme de vingt-neuf ans, un prof de sport de collège à peine plus jeune qu’elle. La victime suivante avait été une femme aux cheveux blonds et aux yeux verts, qui ressemblait à s’y méprendre à Adèle. La ressemblance l’avait hanté après avoir vu les photos de la femme pour la première fois.
Adèle n’était pas du genre à porter des bijoux, mais ses doigts semblaient particulièrement dénudés. Elle avait toujours espéré, dans son for intérieur, qu’à trente-deux ans, son annulaire au moins serait orné d’une bague.
Bientôt. Si elle en croyait les textos de Jessica et le dernier appel énigmatique d’Angus… Sa main cesserait bientôt d’être aussi nue.