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Citations sur Le cimetière des poupées (14)

Mais il est encore une chose à accomplir, éradiquer le souvenir de mes garçons, ne plus les laisser entrer dans mon esprit, mes rêves, fermer les oreilles à leur rire cristallin, ne plus imaginer leurs pleurs, la nuit, quand ils ont besoin de moi, rayer le mot de "maman" qui m'écorche les oreilles et le coeur, les oublier, et sans les tuer parce que j'ai compris que c'était une facilité. Une facilité inutile, encore une erreur de ma part. S'ils n'étaient plus, crois-tu qu'ils disparaîtraient de moi ? Crois-tu que je pourrais me débarrasser d'eux comme ça, que leurs cris cesseraient de résonner à mes oreilles, que leur "maman" ne viendrait pas me hanter chaque nuit, chaque jour, que mon corps ne se souviendrait de sa gestation, de leurs coups, que mon ventre oublierait ? Crois-tu que la mort fait cesser l'existence ? Comprends-tu qu'au contraire elle la maintient dans une éternité de la pensée, et que l'amour n'est jamais si bien servi que par elle ?
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Je t'ai sans doute un peu dépaysé, je ne te paraissais pas comme les autres, j'étais maladroite et timide, tu pensais peut-être que tu pourrais me faire, me modeler, et je n'ai rien contre cet instinct de pygmalion qui habite tant d'hommes. Au contraire, jai éprouvé du plaisir à me laisser construire, transformer et, si mes résistances ont finalement été l'obstacle à ton chef-d'oeuvre, tu étais parvenu à un résultat convaincant. J'ai tout fait échouer. Tu dirais sans doute que c'était pour te nuire, mais je ne peux l'accepter. Je ne peux accepter l'idée d'avoir fait quoi que ce soit pour te nuire. C'est par amour que je suis devenue cette femme-là, que j'ai élevé tes enfants comme tu l'entendais, que je tâchais de tenir une maison ordonnée. Mais c'était oublier mon propre poids, la passivité de ma matière, de mon corps, de mon être, cette force de gravitation qui entraîne tout vers le bas. C'était oublier qui j'étais, d'où je venais, quelle petite fille j'avais été, pesante déjà pour les autres et pour moi-même, obstacle déjà à la carrière de ma mère et à son repos. Epine dans son pied, j'avais enrayé son mécanisme à être heureuse.
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Il me suffisait de le savoir là, dans la cave. Deux fois pourtant, au milieu de la nuit, je me suis levée, et pieds nus je suis descendue pour le caresser, le prendre contre moi, le réchauffer peut-être, mais devant le congélateur, je me suis arrêtée, tremblante soudain, affolée, j'étais incapable d'en ouvrir la porte, et d'aller le chercher au fond, sous les piles de quiches, de légumes et de steaks hâchés.
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Il paraît que je dois écrire.
On attend une vérité, ma vérité. Mais quelle autre vérité sinon la mienne pourrais-je bien donner, et la mienne a-t-on dit est monstrueuse. Les gens sont-ils capables d'admettre une vérité monstrueuse ? On a décidé, n'est-ce pas, qu'une vérité devait être raisonnable, ou au moins rationnelle. Mais une vérité n'est jamais raisonnable. Il n'y a de vérité qu'atroce, et la mienne est atroce, et je ne m'en plains pas, la vérité d'un monstre n'est pas moins vérité que les autres, n'est-ce pas ?
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Pourquoi ne m’en as-tu pas fait part, de tes souffrances et de tes doutes, crois-tu que je n’aurais pas pu les recevoir ? Non, à moi on ne dit rien, on ordonne. Le dialogue m’aurait été un service que je ne méritais sans doute pas.
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Ici [en prison] je me réveille et rien, pas un enfant pour m’appeler, pas un homme qui a faim, pas une table à débarrasser, pas un article à terminer, pas de baignoire où faire mousser le bain, pas de brosses à dents à laver, à ranger, dans le gobelet bleu, pas de pyjama à plier, pas de lessive à faire, je me sens inutile sans mes gestes, je ne suis rien, sans mes enfants, je ne suis rien.
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Celles que je portais il y a dix ans déjà, et puis c'est revenu à la mode, mais est-ce que tu te soucies des modes, est-ce que tu te soucies de la manière dont je m'habille, est-ce que tu regardes jamais mes orteils nus ? Tu te tenais à mes côtés et je les observais.
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En moi il vivra toujours, pour vous il ne vivra jamais, et c'est mon privilège, mon unique privilège, que vous ne m'enlèverez pas.
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Mon âme – et j’ai conscience que ce mot est excessif s’agissant de ce qui m’a régi depuis que je suis en âge de penser et d’agir – a grandi sous diverses influences, la plupart du temps celle de mon imaginaire, rempli de desseins chaotiques, d’images piochées dans de mauvais romans policiers que je lisais à la pelle dans le grenier de la maison. Je n’avais pas d’amis dans cette province pourrie où les sangs ne se mêlent pas, et j’ai fini par préférer l’enfermement que les rares ouvertures qu’on a pu me proposer. J’avais pris peur de moi-même et protégeais jalousement mes monologues et mes jeux au goût de supplice. Je n’aurais laissé personne entrer dans mon intimité que je savais déjà dangereuse.
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J’avais sauvé mon fils, et en lui la pureté du lien qui nous unissait, et personne, personne jamais ne pourrait le briser, parce qu’il était scellé par notre pacte, qu’il n’aura jamais connu d’autre que moi-même.
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