Premier roman

Agathe avait marché un peu, rêvé, écouté de la musique et s'était nourrie de livres, sa vraie patrie.

Perdre son temps dans une ville est le meilleur moyen de la pénétrer de l'intérieur, de la connaître dans son intimité, de la laisser se dévoiler, d'adapter son propre rythme à celui des rues, sans rien lui imposer et sans rien lui voler.

Les rues de Paris, en été bruissaient de vies différentes, de couleurs, de langues. Dans les jardins publics, les enfants jouaient au milieu des fontaines, s'aspergeaient d'eau ; des jeunes filles lisaient au soleil, les pieds nus dans l'eau.

Ils étaint à nouveau tous les trois, au coeur d'une campagne sauvage, qu'ils avaient érigée en espace de paix. Les parfums de feux de bois dans les champs, les pins et la couverture brune des sols, la terre tantôt boueuse et tantôt sèche sous le verglas. Si l'on ne marcait pas assez vite, les doigts gelaient rapidement, ainsi que les orteils, et l'on souffrait d'onglée en rentrant à la maison, tandis que la chaleur du four où cuisaient quelque tarte accélérait le reflux de sang. Tous parfums de campagne, de forêts et de bêtes en tous genres, qui se mêlaient à ceux de la cuisine, où l'on débouchait facilement les bouteilles de cognac, où l'on fumait volontier. Ils étaient tous les trois proches et éloignés de leurs soucis, de leur autre vie

Deux ans plus tard, elle avait invité Hadrien à habiter chez elle. C'était une jeune fille d'une maturité rare. Elle avait affronté la mort pour renaître. Elle bannirait désormais tout ce qui pouvait brimer son désir de vivre.

L'amour, lorsqu'il était authentique, ne pouvait pas être menacé par la liberté de chacun en dehors du couple établi; en revanche, il pouvait s'amenuiser de trop de brides, de trop de répressions.

Agathe condamnait la culpabilité et refusait d'accepter les souffrances inutiles.