La mort et l’oubli s’installaient peu à peu dans la chambre de Zoé et je n’y pouvais rien. Ils salissaient tout, n’avaient aucune pitié. Ils ne me laisseraient pas faire. Ils finiraient par transformer sa chambre en mausolée.
Les premières conversations entre deux inconnus sont souvent ponctuées de maladresses, de silences, d’interrogations, de malentendus, d’hésitations. Étienne et moi en fûmes exemptés. Tout de suite, nous sûmes quoi nous dire et comment nous le dire.
À partir de combien d’années la vie vaut-elle la peine d’avoir été vécue ? À huit ans, on était, me semblait-il, très loin du compte.
Comment se comporter ? Comment aider l’être aimé quand on tente soi-même de survivre ?
Nos douleurs respectives étaient deux terres brûlées, rongées par les flammes, éloignées l’une de l’autre.
En devenant mère, j’ai renoncé à toute ambition professionnelle. J’étais devenue l’une de ces femmes que je méprisais étant plus jeune, qui travaillaient à la carte, acceptaient des jobs quand ils leur plaisaient seulement.
Les malheurs ne se comparent pas.
Quand j’ai posé les yeux sur elle, une fulgurance archaïque m’a saisie, une terreur irrationnelle qui tient en quatre mots : Nos enfants sont mortels.
Je fais comment dire... une rechute. Peut-on employer ce mot quand il s'agit de l'âme? Une rechute de l'âme, oui c'est l'expression qui convient.
J'en voulais à Etienne, je m'en voulais. Tricoter et détricoter le passé me faisait mal, à la manière d'une poison cheminant à l'intérieur de mon corps pour en prendre possession. Il s'attaquait à mes fonctions vitales, me laissait pantelante, abrutie de chagrin. A force de serrer les dents pour ne pas hurler, l'intérieur de mes joues étaient en sang.