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EAN : 9782702169070
320 pages
Calmann-Lévy (19/08/2020)
4.27/5   284 notes
Résumé :
À la mort de son père, Esther, libraire du nord de la France, décide d’ouvrir un atelier d’écriture épistolaire, en souvenir de la correspondance qu’ils entretenaient tous les deux. Cinq personnes répondent à son annonce : Jeanne, 70 ans, dont la colère contre les dérives de la société actuelle reste toujours aussi vive ; Juliette et Nicolas, un couple démuni et désuni face à une sévère dépression post-partum ; Jean, un business man cynique qui ne trouve plus de sen... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (93) Voir plus Ajouter une critique
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Bonjour Hester, suite à votre annonce parue dans mon journal local je serais intéressé par votre atelier d'écriture. J'espère qu'il n'est pas trop tard et même si je prends le train en marche j'aimerais faire partie de votre atelier.
cordialement Jean Michel.
Vous vous dites quelle drôle d'idée cet atelier d'écriture épistolaire.
Je trouve cette idée magnifique, maintenant que nous avons les écrans, que nous envoyons courriels et sms, la lettre manuscrite semble désuète. Quel dommage, moi qui a commencé mon apprentissage avec de l'encre et le porte - plume sergent major je me dit que les générations futures ne sauront plus tenir un stylo. Quant au plaisir de recevoir une lettre, l'écriture, le style...
Cécile Pivot dans son roman " Les lettres d'Ester " m'a comblé de bonheur. On dit souvent que les livres ont le pouvoir de guérir certains maux, soigner les maux par les mots, je pense que l'écriture a aussi ce pouvoir.
Jeanne, Juliette, Jean, Nicolas et Samuel ne s'imaginaient pas tout ce que cet atelier allait leurs apporter. Ces personnages traînent un mal-être et grâce à Ester leurs échanges épistolaires vont adoucir leurs vies et ouvrir des portes jusqu'à là fermées.
J'ai aimé ce livre, pourquoi ? peut-être que ce roman fait un bien fou, que j'aurais pu faire partie de cet atelier, écrire des lettres à des inconnu(es), aider et être aidé, soulager et être soulagé pour finir par cet échange ne plus être des inconnu(es).
Merci Onee de m'avoir fait découvrir ce magnifique roman " Les lettres d'Ester" de Cécile Pivot.
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Après le décès de son père écrivain, avec qui elle entretenait depuis des années une correspondance régulière malgré leur proximité géographique et leurs fréquentes rencontres, la libraire Esther décide d'organiser un atelier d'écriture épistolaire. Pendant quelques mois, un échange croisé de lettres va alors créer un espace de communication unique et privilégié entre la jeune femme, un couple submergé par une dépression post-partum, un adolescent rongé par la culpabilité de survivre à son frère mort d'un cancer, une veuve âgée percluse de solitude, et un homme d'affaires qui a perdu le sens de son existence : une expérience qui aura un retentissement significatif sur leur vie à tous.


A l'époque de l'immédiateté et de l'hyper-connectivité, cette histoire est une ode à la « slow-communication », une démonstration un rien nostalgique de ce qu'un lien épistolaire au long cours peut avoir d'unique et d'irremplaçable dans la relation entre les êtres : la décantation de nos actes et de nos sentiments au travers de leur mise en écriture, le temps de réflexion qu'autorise et exige l'échange des réponses, ainsi que l'intimité libératrice de ces moments exclusifs et privilégiés que prennent deux personnes l'une pour l'autre, n'ont en effet d'équivalents, ni dans les contacts présentiels, ni dans le jeu de ping-pong des messages numériques.


Ainsi, habituellement emportés par le torrent de leur vie, les cinq élèves d'Esther vont prendre le temps de laisser se déposer les alluvions du quotidien, de se révéler mutuellement avec sincérité et bienveillance, exposant leurs fragilités et leurs doutes à l'écoute et aux questions, dans une démarche aux effets quasi thérapeutiques, en tous les cas, réconfortants par la simple humanité de l'échange. Et c'est avec une émotion grandissante que l'écriture toute de douceur et de sensibilité de Cécile Pivot amène peu à peu ses personnages à surmonter leurs deuils et leurs peurs grâce aux liens de la communication, si joliment symbolisés à la fin du livre par l'émouvante et poétique cabine du téléphone du vent au Japon.


Constat chagrin de la croissante solitude des individus dans une société contemporaine paradoxalement hyper-communicante, ce roman épistolaire délicatement nostalgique vous fera regretter, vous aussi, la prévisible obsolescence des timbres et des boîtes aux lettres. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Mon cher Pierigwenn,


Je t'écris cette lettre parce que j'ai lu récemment quelque chose de simple et de très doux, qui m'a fait beaucoup de bien. Te connaissant, je pense que ce roman épistolaire trouvera écho en toi aussi, c'est pourquoi je te l'envoie dans ce petit colis. Il s'agit de personnages qui ne se connaissent pas, mais qui vont correspondre dans le cadre d'un atelier d'écriture. Chacun s'y est inscrit pour des raisons différentes, que tu comprendras au fur et à mesure de leurs échanges manuscrits. Et comme c'est plus facile de se livrer à des inconnus, des liens se tissent entre les correspondants, qui les aident à guérir de leurs blessures respectives. Une histoire de résilience croisée très humaine, très belle. Et pas si idéaliste que ça finalement, pour qui a déjà vécu cette petite étincelle, par exemple sur Babelio.


La libraire à l'initiative de cette aventure, c'est Esther : Une libraire comme tu en connais peut-être, toi aussi. Esther, elle est un peu comme babélio : Elle provoque des rencontres autour des lettres, dans tous les sens que ce mot peut receler. Amoureuse autant du pouvoir libérateur des mots délivrés, que des bienfaits apaisants des mots reçus, elle décide d'ouvrir cet atelier d'écriture. Elle demande aux six inscrits de choisir deux correspondants parmi eux. Leur mission consistera à s'écrire des lettres par voie postale, en lui en envoyant un double à chaque fois pour qu'elle fasse progresser chaque personnage dans sa manière de s'exprimer. Pour pimenter tout cela, elle donne parfois des thèmes ou des exercices à glisser dans ces correspondances : dialogue, monologue intérieur, projection dans dix ans, etc… Toi qui aimes écrire, je te sens déjà séduit par l'idée !
Son but est de sortir de l'isolement par l'échange et le dialogue. Mais il est aussi de réintroduire le plaisir dans l'attente, la sagesse dans le temps de réponse sans précipitation, délaissant le feu de l'action pour la méditation du propos, et des attentes d'autrui. S'exprimer, mais être à l'écoute aussi, pour pouvoir répondre et poursuivre, encourager l'échange.


Par cet éloge de la lenteur, elle cherche à savourer et propager le plaisir du mot juste, à l'inculquer à ses « élèves ». Parce que ce sont les mots qui nous sauvent de la solitude - et la solitude, c'est ce que tous ressentent, sans en être conscients au départ. Tous ces mots qu'on veut désespérément entendre, ou ceux que l'on n'a pas prononcés, ceux qui ne veulent pas sortir, ou ceux que l'on retient… Tous ces mots nous enferment dans notre douleur et nous isolent. Ceux-là, il est parfois plus facile de les écrire. Et souvent plus encore à des inconnus, dont le jugement nous importe peu, ou moins - au départ.
Mais des mots mal choisis, interjetés à la va vite dans une conversation, un SMS, ou même un e-mail, des mots répondus sans prendre le temps de vraiment écouter ni s'imprégner du message, ou encore sans prendre la peine de se demander comment nos propres mots vont être reçus et interprétés, peuvent faire des ravages.
C'est ce qui est arrivé à une bonne partie des candidats, dont les diverses raisons de s'inscrire trouvent toutes leurs racines dans l'un ou plusieurs des maux énoncés. Pour chaque personnage, y compris Esther, cet atelier constituera une thérapie de mots contre la douleur de ces maux.


Mais je ne t'en dis pas plus sur les personnages, je te laisse plutôt me dire ce que toi tu as pensé de leurs histoires, si elles t'ont touché autant que moi.
Car même s'il faut avouer que nos échanges par mail ne sont pas un modèle d'éloge de la lenteur, ils n'en sont pas moins un moment privilégié, et j'y ai retrouvé des similitudes touchantes.


J'espère que ce livre te plaira, j'ai vraiment hâte de lire ce que tu penses de ce moment d'échanges.


Je t'embrasse,
Onee.



XXXXXXXXXXX [Deux semaines plus tard :] XXXXXXXXXXXXX


AVIS DE PASSAGE : Pierigwenn vous a adressé une lettre ; le facteur n'ayant pu accéder à la boîte aux lettre qui débordait de commandes de livres, vous pouvez venir la chercher à cette adresse :

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Ah! Comme je suis heureuse de commencer l'année avec ce livre lumineux, chaleureux! Un rayon de soleil caressant , un éclat émouvant dans le gris terne de l'hiver...

Vous regrettez comme moi que les échanges épistolaires se fassent rares? Vous aimez les personnages dont l'être profond se devine et s'affirme, au fil de leurs confidences écrites? Vous recherchez l'émotion, le partage ? Alors, ce roman est pour vous. A travers un atelier d'écriture proposé par Esther, une libraire lilloise, un groupe de cinq personnes vont s'écrire, chacune choisissant deux correspondant(e)s.

Les lettres s'entrecroisent, accompagnées de récits à la troisième personne, décrivant les pensées ou les actions des différents membres du projet. Les portraits se font de plus en plus précis, du jeune Samuel , perdu, peinant à faire le deuil de son frère, à Jeanne, vieillissante et solitaire, malgré son dynamisme. Il y a aussi un couple à la dérive, Nicolas et Juliette, cette dernière souffrant d'une sévère dépression post-partum. Et Jean, homme d'affaires désabusé. Enfin, évidemment Esther, à l'origine de l'atelier, à qui son père manque tant.

Je disais que ce roman était lumineux. Pourtant, il aborde des sujets graves: la mort, la solitude, le manque. Mais il le fait avec délicatesse, humanité. Avec espoir aussi, sans aucune mièvrerie. On ressent une telle tendresse pour ces personnages, tous en recherche de quelque chose, un amour, une affection, un sens à leur vie. On aime entrer dans leur intimité, se dévoilant petit à petit, ainsi que leurs failles, leurs contradictions, qui sont aussi les nôtres. Chacun a son style, ses tics d'écriture. C'est également l'intérêt et la richesse de cette oeuvre.

Une bien jolie idée que développe ici Cécile Pivot! le personnage qui m'a le plus touchée est Samuel, bloqué par la disparition de son frère, qui, longtemps malade, l'a occulté auprès de ses parents. Maintenant, il se sent vide, sans but. Les lettres vont l'aider à se libérer, et au Japon, le téléphone du vent ( quel beau symbole!) , qui relie les vivants aux morts, va lui permettre de s'ouvrir à l'avenir...

A lire, pour se relier aux autres, laisser s'épanouir l'émotion, renouer avec l'échange écrit, si précieux et différent de l'oral, les lettres que l'on avait tant de joie et d'impatience à découvrir, au creux de l'enveloppe...
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Esther a décidé de mettre en place un atelier « d'écriture épistolaire » et passe une annonce dans deux journaux. On va ainsi faire la connaissance de Jeanne, veuve qui vivant dans sa maison avec des animaux qu'elle sauve de la maltraitance, de Samuel adolescent en crise qui a abandonné l'école à la suite du décès de son frère des suites d'un cancer, laissant la famille exsangue, aucun n'arrivant à se refaire une place dans la famille.

On rencontre aussi Jean, DRH richissime, qui fait des restructuration licenciements à la pelle sans état d'âme, toujours d'un avion à l'autre, qui collectionne les Rolex, les voitures de luxe… ou encore un couple à la dérive Nicolas cuisinier (2 étoiles) et Juliette, boulangère-pâtissière, engluée dans une dépression du post-partum, (à différencier du baby blues) et qui rejette son bébé…

Il y a quelques consignes : une première réunion, avec l'obligation de répondre à une question : « contre quoi vous rebellez-vous ? » et ensuite choisir deux personnes avec lesquelles échanger les lettres ainsi qu'un double à envoyer à Esther…

Chacun s'inscrit avec une idée derrière la tête, fuir la solitude, donner une chance à son couple, un sens à vie, surmonter un deuil et on va voir les personnages évoluer au fil des lettres échangées.

Esther est libraire et ne se prend jamais pour une « psy », tout au long de l'atelier dont elle fixe une limite dans le temps. Elle a longtemps entretenu une correspondance avec son père qui est décédé quelques temps auparavant.

J'ai été frappée par la sincérité avec laquelle ils se sont tous prêtés au jeu, et leur évolution au cours des échanges de lettres. On ne dira jamais assez les vertus thérapeutiques de l'écriture pour mettre des mots, sur les émotions, les chagrins réprimés…

J'ai beaucoup apprécié la manière dont l'auteure parle de la dépression du post-partum, à travers les lettres de Juliette, la culpabilité, la honte, la détresse, tout est évoqué sans tabou, simplement, au plus près du ressenti. Mais, il faut le reconnaître, tous les thèmes sont abordés avec bienveillance dans ce livre et chacun de nous peut y trouver des éléments qui peuvent lui apporter du réconfort dans la vie actuelle si difficile.

Je trouve également, très intéressante l'idée de rédiger des lettres à l'heure du courriel, du smartphone, de l'ordinateur, du tous connectés, du faire dans l'urgence, l'immédiateté, sans prendre le temps de la réflexion. Il y a des choses qui s'expriment différemment à l'oral et à l'écrit, en plus du temps pendant lequel on attend, on espère une réponse. Merci facteur…

Ce roman, tiré d'une expérience vraie, m'a beaucoup plu, par son côté sincère, dénué de jugements et la façon dont les lettres sont présentées. Il aurait pu être trop bisounours mais Cécile Pivot a très bien su traiter son sujet. Après la lecture éprouvante que fut pour moi « Les démons » de Simon Liberati, ce livre a été une bouffée d'oxygène.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Calmann-Lévy qui m'ont permis de découvrir ce livre et son auteure dont j'aurai plaisir à retrouver la plume.

#LeslettresdEsther #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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critiques presse (1)
Actualitte
27 janvier 2021
Ce roman est surprenant : Cécile Pivot y aborde finalement des sujets comme le deuil, la dépression, la remise en question, la solitude... Le tout avec délicatesse et subtilité. Un roman vrai et touchant.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (73) Voir plus Ajouter une citation
Elle m’a avoué après, dans un cimetière à Kyoto, qu’elle aime bien l’idée que les vivants parlent avec leurs morts, les petites statues vêtues de rouge à qui on fait des offrandes, qui sont un peu partout dans les cimetières et qui veillent chacune sur un mort. Il y des autels, des lanternes, des tours avec des cloches, des plaquettes en bois où on écrit ses prières. C’est un peu con ce que je vais vous dire, mais je trouve ça très… vivant. Dans leurs cimetières, on respire pas que le malheur. On est triste évidemment, mais apaisé, aussi. On a envie de croire aux esprits, aux signes. Pour ça, ma mère et moi, on se ressemble, on aime bien cette idée des morts avec un pied dans la vie. En France, on veut bien pleurer nos morts, se souvenir d’eux, nettoyer leurs tombes, mais faut pas qu’ils viennent nous déranger, ça nous fout la trouille.
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INCIPIT
ESTHER
Rien ne s’est passé comme je l’avais prévu. J’aurais pu m’en douter après notre réunion à Paris, la seule fois où nous nous sommes rencontrés. Ils ne s’étaient pas inscrits à mon atelier d’écriture épistolaire avec l’intention que je leur prêtais, faire des progrès en écriture. Pas seulement, en tout cas. Cet atelier était leur bouée de sauvetage. Il allait les sauver de l’incompréhension, d’un deuil qu’ils ne faisaient pas, d’une vie à l’arrêt, d’un amour mis à mal. Quand j’en ai pris conscience, il était tard, j’étais déjà plongée dans l’intimité et l’histoire de chacun d’eux. Mais, après tout, n’était-ce pas, après la mort de mon père, une bouée de sauvetage pour moi aussi ?
Je me suis surestimée. J’ai pensé qu’ils souhaiteraient tous correspondre avec moi, seul Jean en a éprouvé le désir ; que je saurais faire preuve de fermeté, il n’en a rien été avec Samuel, qui a refusé un deuxième correspondant ; qu’ils seraient avides de mes conseils, ils ne m’écoutaient que d’une oreille, avaient d’autres chats à fouetter.
Je ne sais plus à quel moment exactement j’ai décidé de réunir notre correspondance pour en faire un livre. Après l’exercice des monologues, je crois. Excepté Juliette, qui a hésité avant d’accepter, Jeanne, Samuel, Jean et Nicolas m’ont donné leur accord sans hésiter, à condition que leurs prénoms soient modifiés. Samuel, lui, a tenu à conserver le sien.
En vue de leur publication, j’ai corrigé les lettres, je les ai lissées, pour ainsi dire, mais j’ai tâché d’en préserver le style. Samuel se moque des répétitions, Juliette a du mal avec les liaisons (à l’image des problèmes qu’elle rencontrait pour lier le passé au présent ?), Nicolas a son franc-parler (le même que dans la vie), Jeanne aime les interjections, Jean les adverbes.
Pour plus de lisibilité, j’ai précisé en haut de chaque lettre les noms des correspondants et de leur destinataire.
Je voulais que ce livre se termine avec le plus jeune d’entre nous, Samuel. Qu’il ait le dernier mot. D’abord, parce que j’apprécie son intelligence intuitive et sa sensibilité, qui transparaissent dans son écriture. Ensuite, parce que lui et moi nous ressemblons par certains aspects. Nous ne parvenions pas à faire le deuil de nos disparus et une absurde culpabilité pesait sur nos épaules. Enfin, parce que personne n’aurait pu imaginer qu’il évoluerait de cette façon en quelques mois, qu’il prendrait sa vie à bras-le-corps avec tant de spontanéité et de générosité. Jean, lui aussi, s’est donné les moyens de changer le cours de son existence. Je veux croire que l’atelier d’écriture a été leur meilleur allié. Qu’il est tombé à point nommé.
J’ai quarante-deux ans, je m’appelle Esther Urbain.
PETITE ANNONCE
Je n’étais ni auteure ni professeure. Il allait me falloir rassurer les postulants sur ma légitimité. Je comptais faire appel à mon expérience de documentaliste sur des recueils épistolaires, leur citer mes préférés, Correspondance de François Truffaut et Lettres à Lou de Guillaume Apollinaire. Leur parler, aussi, des ateliers d’écriture que j’organisais à Lille dans ma librairie C’est à Lire, le soir après la fermeture, animés par des écrivains du Nord. Avec un sujet comme la correspondance épistolaire, je craignais de n’attirer que des vieux esseulés, qui profiteraient de l’occasion pour exhumer de leurs tiroirs leur papier à lettres jauni et dérouler leurs souvenirs, sans souci de l’autre et de la conversation.
J’avais une idée assez précise de la manière dont je voulais que fonctionne mon atelier. Le 5 janvier 2019, l’annonce, que j’avais mise en ligne quelques jours plus tôt sur le site de ma librairie, a paru dans quatre quotidiens régionaux. Pour plus d’impact, on m’avait proposé une « offre couplée » quand j’avais appelé le service publicité de La Voix du Nord : « Apprenez à mettre en forme vos pensées, à raconter une histoire et à parler de vos émotions en vous inscrivant à un atelier d’écriture consacré au genre épistolaire. Possibilité d’y participer quel que soit votre lieu de résidence. Du 4 février au 3 mai 2019. »
J’ai reçu une vingtaine de réponses. Les candidats étaient de tous âges, un peu plus d’hommes que de femmes. À chacun, j’ai déroulé le même discours, Esther Urbain, libraire à Lille, documentaliste et correctrice pour l’édition, spécialisée dans les correspondances. Je les ai prévenus que j’animais un atelier d’écriture pour la première fois et que mon rôle consisterait, tout en respectant leur personnalité, à travailler leurs textes avec eux, notamment en les aidant à trouver le mot juste et à donner du rythme à leurs phrases. Pour cela, il me faudrait avoir accès à leurs courriers. Je prévoyais une rencontre à Paris le mois suivant, qui serait probablement la seule, puisque je comptais leur faire un retour par téléphone ou par mail à chaque nouvelle lettre.
La réponse la plus insolite est venue d’une psychiatre de Paris, Adeline Montgermon. Après m’avoir posé des questions sur le fonctionnement de l’atelier, demandé mes références, elle m’a parlé de sa patiente.
— Elle fait une dépression du post-partum. Vous savez ce que c’est ?
— Euh, non, pas vraiment, ce n’est pas comme…
Elle parlait vite. Elle m’avait interrogée pour la forme, mais ce que je disais ne l’intéressait guère. Elle fonctionna toujours ainsi avec moi.
— Bon, je vais vous expliquer en quelques mots. Si le sujet vous intéresse, je pourrai vous conseiller des livres – c’est vrai que vous êtes libraire ! On l’appelle aussi dépression postnatale. C’est une dépression sévère, dont les causes sont multiples. Elle nuit au lien d’attachement entre la mère et le bébé. Celle de ma patiente, qui a trente-huit ans, a été décelée quand son bébé avait cinq mois. Elle a d’abord effectué un séjour en hôpital psychiatrique. Puis elle est rentrée chez elle, mais ce retour était prématuré. Elle est désormais suivie en maternologie, avec sa fille, plusieurs jours par semaine. J’y assure des consultations, c’est là que je l’ai rencontrée. La petite a aujourd’hui huit mois et demi et l’état de sa mère reste préoccupant.
J’ai senti une pointe d’agacement dans la voix d’Adeline Montgermon. Elle s’était probablement opposée à sa sortie d’hôpital.
— Elle prétend que son mari ne l’a pas soutenue à son retour. Elle est revenue à un état de fragilité extrême, comme après la naissance du bébé, et ses angoisses ont réapparu. Je les ai reçus tous les deux il y a quelques jours. Ma patiente a émis le souhait de quitter l’appartement familial pour vivre seule, durant un temps indéterminé. Sans son mari et sans sa fille. De toute évidence, il ne s’y attendait pas.
— Ils n’en avaient pas parlé avant de venir vous voir ?
— Non. Elle voulait le lui annoncer dans mon cabinet. Ma patiente a du mal à trouver ses mots, à dire ce qu’elle pense. Elle est très vulnérable. Lui subit les crises d’angoisse et de panique de sa femme depuis des mois. Il fait ce qu’il peut. Il lui est difficile de l’aider. Il a du mal à accepter ce qui arrive à son épouse. Je lui ai proposé de consulter l’un de mes confrères, il a refusé tout net. C’est dommage, mais je ne m’inquiète pas outre mesure. Il a du répondant. L’avenir dira si leur séparation est temporaire ou définitive. Malgré leur difficulté à communiquer, leur couple est solide. Je leur ai proposé de profiter de leur séparation pour s’écrire. Sincèrement, je ne sais pas ce que cela peut donner. Je me suis dit qu’ils s’écouteraient différemment. Enfin, qu’ils s’écouteraient tout court, ce dont ils sont incapables aujourd’hui. C’est là que je suis tombée sur votre annonce…
— Mais vous n’avez pas besoin…
— Elle tombait à pic, vous comprenez. Parce que j’ai peur que ma patiente n’interrompe le dialogue à la moindre difficulté ou contrariété. Je serais plus rassurée si elle écrivait dans le cadre d’un atelier, qui plus est dirigé par une femme.
— Qu’attendez-vous de moi, exactement ?
— Que vous les accueilliez dans votre atelier.
— Je ne sais pas quoi dire. C’est délicat, je ne suis pas psy et…
— Je sais bien. Vous procéderez avec eux comme avec les autres. Quant à moi, je continuerai à suivre ma patiente.
— Je vais m’immiscer dans leur intimité…
— … comme dans celle de vos autres élèves. Mais ce ne sera pas votre problème. Vous pouvez, tout comme eux, être rassurée à ce sujet. Je suis bien consciente que ce sera peut-être délicat parfois.
— Et puis, ils se ficheront pas mal des conseils en écriture que je suis censée leur donner…
— Je crois que cela vaut la peine d’essayer, de tout essayer.
Elle insistait. J’ai cédé et dit oui au docteur Montgermon.
J’appris leurs noms au moment de leur inscription, quelques jours plus tard. Juliette et Nicolas Esthover m’ont envoyé un mail chacun de leur côté, à quelques heures d’intervalle. Ils se recommandaient du docteur Montgermon, n’en disaient pas beaucoup plus. Quatre autres personnes ont suivi. Jean Beaumont, un homme d’affaires, qui passait sa vie à voyager ; Alice Panquerolles, hypnothérapeute, lyonnaise ; Samuel Djian, un jeune garçon, qui s’est contenté d’un : « Pourquoi pas votre atelier puisque je dois trouver un truc à faire ? » ; Jeanne Dupuis, la plus enthousiaste, dont on entendait à la voix qu’elle n’était plus toute jeune. J’avais espéré que nous serions plus nombreux. Pas un, constatais-je, étonnée, ne parlait d’écrire un livre ou n’avait un manuscrit en sommeil dans un placard. N’était-ce pas la motivation principale des participants à un atelier d’écriture ? Peut-être celui-ci, autour de la correspondance, suscitait-il des attentes différentes. Je me demandais lesquelles.
S’accorder sur un jour, une heure et un lieu où nous retrouver à Paris ne fut pas facile. Seule Jeanne Dupuis n’a posé aucune condition. Elle était libre comme l’air, me dit-elle en riant au téléphone. Jean Beaumont m’avait prévenue qu’il serait en déplacement et ne pourrait être des nôtres. Nous convînmes finalement d’un rendez-vous le 31 janvier, à 18 h 30, au Hoxton, un hôtel-restaurant branché du
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Après la réunion au Hoxton, je ne suis pas rentrée directement à Lille. J’ai dormi chez Raphaël, mon cousin germain, boulevard Sébastopol. Il est bien plus que mon cousin. Mon frère, mon ami, mon soutien indéfectible. Nous sommes tous deux enfants uniques et quelques mois seulement nous séparent. Il vit à Paris, moi à Lille, mais nous avons passé de nombreuses vacances ensemble. Lui avec ses parents, moi avec mon père.
Raphaël m’avait prévenue qu’il rentrerait tard et laissé les clés sous le paillasson. Je m’étais promis de faire attention à ne pas tout déranger chez lui, mais en quelques heures, j’ai réussi à semer une pagaille monstre. Je ne m’en suis aperçu que le lendemain matin, quand il me l’a fait remarquer en faisant mine de m’étrangler et en ajoutant que ce désordre, il ne l’aurait accepté de personne d’autre.
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“À propos de la lecture, vous faites erreur. Elle est une porte ouverte sur le monde, la nature humaine, les siècles passés et à venir. Il est impossible qu’aucun sujet ne vous intéresse, qu’aucun genre littéraire ne vous plaise. La lecture nous ouvre des portes.....”
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Dans une de ses lettres, il écrivait que débarrasser la chambre de son frère mort avait été une épreuve plus douloureuse encore que l'enterrement. C'était une vie qui disparaissait en quelques heures, qu'on enfouissait dans des cartons, qu'on refermait avec du gros scotch. Je comprenais mieux ce qu'il avait ressenti, cette fulgurance qu'on oublie vite, sauf à se flinguer : l'insignifiance de nos vies. Et la vanité de l'homme, qui croit qu'elles ont de l'importance.
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Vidéo de Cécile Pivot
Découvrez l'émission intégrale ici : https://www.web-tv-culture.com/emission/cecile-pivot-mon-acrobate-53587.html Elle est la fille de…. Bien sûr, mais ce serait injuste de la cantonner à cela car depuis plusieurs années maintenant, Cécile Pivot s'est fait un prénom dans le monde de la littérature.
Elle le reconnait elle-même, les piles de livres entassées dans l'appartement familiale l'ont parfois effrayée. Et si les dizaines de livres que recevait chaque jour son père, Bernard Pivot, pour son émission Apostrophes, lui ont donné le gout de la lecture, ils l'empéchèrent longtemps au contraire, inconsciemment sans doute, de se sentir autorisé à l'écriture romanesque. Alors, la jeune Cécile, qui aime la langue, la grammaire, la syntaxe, choisit de faire une école de journalisme et devient correctrice pour des publications.
Mais la vie lui fait un clin d'oeil. Se retrouvant sans emploi, Cécile Pivot décide de revenir à ses rêves d'adolescente, prendre la plume en tant qu'auteur. Un premier titre « Comme d'habitude » en 2017 dans lequel elle évoque son fils, autiste Asperger, puis un livre co-signé avec son père dans lequel ils partagent leur passion de la littérature. Enfin, en 2019, un premier roman « battements de
coeur », sur la vie de couple, salué par la critique, rapidement suivi des « Lettres d'Esther », sur le charme de la correspondance épistolaire. Dans ces deux premiers titres, au-delà de la pertinence des sujets, on découvrait déjà un vrai talent d'écriture, une justesse dans la construction et le choix des mots, une sensibilité à fleur de peau.
Cécile Pivot prouve la qualité de sa plume avec ce nouveau titre « Mon acrobate ». L'acrobate, c'est la petite Zoé, 8 ans, tuée, fauchée par une voiture. Et un couple en plein désarroi, Izia et Etienne. Comment se reconstruire face à l'impensable ? Sur ce thème maintes fois employé en littérature, la romancière creuse un nouveau sillon en faisant d'Izia une femme qui, pour conjurer le drame de sa vie, va elle-même se mettre au service des familles endeuillées, les aidant à vider la maison de leurs défunts, alors qu'elle-même ne parvient à se défaire des affaires de sa fille.
Roman sur le deuil, la famille, l'amour, le couple, le livre évite l'écueil du pathos et de la sensiblerie. Bien au contraire, même si vous n'éviterez peut-être pas une petite larme, le livre vous embarque vers la lumière et vous laisse en plénitude à la dernière page.
C'est une véritable réussite. Vous l'aurez compris, c'est un coup de coeur. « Mon acrobate » de Cécile Pivot est publié chez Calmann Lévy.
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