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Critique de talou61


Edwy Plenel décide de rédiger un livre à propos ou à partir d'une formule, prêtée à Bailly, premier maire de Paris: «La publicité est la sauvegarde du peuple».
Fort bien. En «historien amateur», il se lance donc à la recherche de la documentation disponible sur cette phrase, qu'il décrète «oubliée» et donc redécouverte par lui.
La formule «historien amateur» évoque une humilité de bon aloi. Mais E. Plenel est un journaliste professionnel, habitué à mener des recherches dans des archives diverses et notamment, créateur qu'il est d'un média en ligne, sur Internet.

Il se trouve que la formule de Bailly, qui me paraissait sonner familièrement à mes oreilles, ne m'évoquait pour autant rien de particulier. Elle a donc – et son «redécouvreur» avec elle – piqué ma curiosité.

Plenel assure que la seule mention connue de lui figure dans un livre de Jean-Noël Jeanneney. Il précise quelques lignes plus loin qu'elle ne se trouve ni chez Michelet, ni chez Jaurès ; ni chez Mathiez ni chez Soboul, ni chez Furet.

Ici, je tique. Les oeuvres de ces auteurs ne sont pas intégralement numérisées. E. Plenel aurait-il lu ligne à ligne l'intégralité de leur production ? J'en doute (et de mon côté, je n'ai pas tout relu non plus).

Mon réflexe est de refaire le chemin qu'il a nécessairement emprunté. On se doute que M. Plenel n'ignore pas l'existence d'une bibliothèque nationale et de son site Gallica. Il le précise d'ailleurs en introduction de sa bibliographie. Je vais donc rechercher la formule merveilleuse sur Gallica, puis sur Google livres, ce qui constitue le minimum pour toute espèce de recherche, qu'elle soit menée par un amateur, un étudiant ou un professionnel.

Sur Gallica, la recherche affiche 4 pages, ce qui est relativement peu.

J'apprends que cette formule figurait, dès 1789, sur les médailles des colporteurs autorisés à crier les journaux dans les rues. Plenel donne cette information pittoresque, mais sans citer l'une des sources indiquées par Gallica : le Dictionnaire de la Révolution française de E. Boursin et Augustin Challamel, de 1893. Serait-ce parce qu'elle atteste de la connaissance de la «formule» un siècle après la Révolution? Cependant, il se peut que cette source, mise en ligne le 3 février 2019 ait échappé à Plenel.
Mais voici un document mis en ligne en 2007 à propos duquel le risque est nul (à moins que l'historien-amateur-journaliste-pro ne révise pas ses sources numériques tous les dix ans): les Actes de la Commune de Paris pendant la Révolution (t. VI, p. 379).

On y apprend que l' «axiome» est dû «à Bailly, président, en qualité de maire, du comité municipal des subsistances, dans une proclamation du 13 août 1789». Lequel axiome est également cité t. I de la première série (p. 315) ; t. V (p. 495, note 6) ; t. VI, p. 81 et t. VII, p. 421.
"En France, en lançant un appel général à ses collègues historiens, Ludivine Bantigny a réussi à trouver, grâce aux indications de Clyde Plumauzille, la proclamation de Jean-Sylvain Bailly, à la séance du 13 août 1789 du Comité des subsistances de la Commune de Paris, qui attendait sagement à la BNF qu'on lui redonne quelque lustre."

Que viennent faire ici ces roulements de tambours, ces cuivres et cet «appel général» (sans parler de la mobilisation, pour ne pas dire de la compromission de deux historiennes) pour une information que l'on trouve en une demi-douzaine de clics sur un site Internet gratuit?

Le document qui suit immédiatement ce volume des Actes de la Commune est un numéro de 1957 de la revue La Pensée, lequel contient un article intitulé « Aspects politiques de la démocratie sans-culottes [sic] en l'an II ». L'article est dû à Albert Soboul qui en a donné bien d'autres à cette revue à propos de la Révolution. Celui-ci a été mis en ligne en décembre 2010 (pas de problème de consultation, donc). Que peut-on y lire p. 29 ?
Certes Soboul n'indique pas l'auteur de la formule. Cependant, cette information aurait pu, au moins, rendre notre historien amateur plus prudent au moment de s'aventurer à propos d'une «absence totale d'évocation» chez Soboul, dont il n'a évidemment pas lu tous les textes (mais celui-ci s'offre, facilement, comme un signal d'alerte).

Il reste encore, sur la première page, 7 documents, puis trois pages pleines.

Je vous laisse le plaisir de les découvrir, ainsi que quelques autres sur Google livres.

Je m'en tiens là pour ma part, et me dispense de lire un livre – celui de M. Plenel – qui use, au détriment, de la recherche historique, des plus navrants procédés de «mise en scène» du journalisme à sensation.

Claude Guillon









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