Mais l'originalité de sa démarche (René Camus), qui la distingue des vulgates racistes ordinaires et la rend d'autant plus dangereuse, est d'avoir cherché à théoriser le préjugé afin de redonner vie aux idéologies identitaires qui ont produit la catastrophe européenne. L'effet politique qu'il a réussi à obtenir par le détour d'une œuvre littéraire met en lumière l'offensive intellectuelle qui a accompagné la banalisation de l'extrême-droite : permettre que l'on puisse de nouveau parler et penser comme Hitler en faisant comme s'il n'avait jamais exister. (p. 42-43)
La catastrophe n’est pas un événement apocalyptique, une rupture ; elle résulte de ce à quoi tout le monde participe, ne fût-ce que tacitement. L’inertie, le fait que tous concourent massivement au même mouvement sans s’y opposer, voilà ce qui conduit à la catastrophe.
Deux mots dont l’appariement est une machine de guerre : le « grand remplacement » est en effet l’énoncé d’une idéologie meurtrière.
Comment, au nom de la liberté de dire, de tout dire, y compris le pire et l’abject, la scène médiatique est-elle devenue le terrain de jeu d’idées et d’opinions piétinant les principes démocratiques fondamentaux, droits collectifs et libertés individuelles ?
La nouveauté n’est pas l’existence de préjugés xénophobes ou d’opinions racistes, qui n’ont jamais totalement disparu, pas plus que les actes criminels qu’ils ont inspirés, notamment dans les années 1970. L’inédit, c’est leur légitimation dans l’espace et le débat publics, la circulation des idées et la diffusion des opinions, par le détour d’émissions de télévision et de radio, d’interventions médiatiques de figures intellectuelles, de prises de position de personnalités notables des milieux littéraires