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Critique de Bookycooky


"Ce fut une rupture, une modification dans ma mémoire et dans mon goût du théâtre : Hedda Gabler, d'Henrik Ibsen, aux Gémeaux9 le premier spectacle que j'ai pu voir d'Ostermeier. Mon souvenir est très net. Rarement la pièce m'était apparue aussi claire et profonde. » paroles de Denis Podalydès, dont je partage la dernière phrase. Même ressenti à la fin du spectacle de « John Gabriel Borkman » d'Henrik Ibsen , le premier que j'ai pu voir de Thomas Ostermeier en avril 2009 au théâtre de l'Odeon à Paris. Etant une fervente admiratrice du théâtre de Peter Brook et d' Eimuntas Nekrosius, metteur en scène lituanien vénéré en Italie malheureusement décédé , là j'avais devant moi un autre génie, du même calibre. du travail très humain , très profond, d'une clarté incroyable qui approche le spectateur au plus près du dramaturge et de son oeuvre. Podalydès étant aussi un acteur de théâtre et de cinéma que j'apprécie énormément , vu le sujet de son dernier livre où il parle justement de son admiration pour Ostermeier et l'expérience des répétitions de «  La nuits des rois » du grand William où il le dirigea dans le rôle d'Orsino, je ne pouvais pas passer à côté.

Podalydès à travers les répétitions et exercices déployés par Ostermeier à la réalisation de cette oeuvre de Shakespeare, en décrit les mécanismes improvisés, d'autres explicitement structurés par le metteur en scène, en passant par la dynamique de la troupe et la trame d'émotions qui le régit au quotidien. « En travaillant deux heures avec lui j'en ai appris plus qu'en 25 ans de rêveries autour de cette pièce » nous dit-il , son préféré de Shakespeare et qu'il aurait voulu mettre en scène lui-même jusqu'à l'apparition d'Ostermeier. Des répétitions qu'il considère comme une plongée au coeur de son métier, où la coexistance de la peur et du plaisir est ce qui dans le fond l'attire le plus . Un texte aussi intéressant pour qui connaît déjà cette pièce de Shakespeare, car l'analyse faite à travers l'interprétation d'Ostermeier est passionnante. La confusion des sexes, qui se balance entre comédie et tragédie, célèbre un jeu carnavalesque des grands retournements, « Toutes les évidences se dérobent ,se diluent dans la clarté paradoxale de ces nuits d'amour ». Podalydés gratifie l'ensemble de l'entreprise d'une très belle métaphore maritime , «  Rien n'est plus satisfaisant que de se sentir au coeur d'une entreprise justement fondée, acteurs d'un spectacle qui nous emporte autant qu'on le porte, marins d'un navire qui, larguant ses amarres en douceur, prend la mer avec aisance, chacun à son poste, sachant ce qu'il fait, prêt à tout affronter. ».
J'aimerais terminer ce billet par un extrait d'une conférence prononcée par Thomas Ostermeier sur Shakespeare,
« J'ai le sentiment que la force motrice des personnages de Shakespeare est précisément de découvrir qui sont les autres, ce qui se cache derrière leur apparence physique, quels sont leurs véritables motifs. C'est la force motrice de leur auteur : découvrir comment sont les êtres humains. […] Et pour mieux les comprendre, il ne se contente pas de simplement mettre des personnages en scène ; mieux, il les met en scène pour qu'ensuite ils se mettent en scène eux-mêmes. La reconnaissance de cette situation doublement théâtrale est pour moi la clef essentielle pour mettre en scène Shakespeare ».
Will le magnifique et Thomas Ostermeier sous la plume de Denis Podalydés, un livre à ne pas manquer pour tous les passionnés de théâtre. Je constate par cette occasion que la langue de Shakespeare est très dur à traduire, et qu'elle perd de son aura même avec la meilleure traduction, si « meilleure traduction » existe.

“Une passion qui veut se dissimuler se trahit plus vite que la culpabilité d'un meurtre – les nuits d'amour sont transparentes.”
(A murderous guilt shows not itself more soon / Than love that would seem hid : love's night is noon.)

*Au faites grâce à ce livre j'ai appris deux nouveaux mots du vocabulaire théâtrale :
L' italienne »😊, qui consiste à dire le texte sans l'action ni les déplacements. On peut la pratiquer en étant parfaitement immobile.
La couturière, l'avant-dernière répétition avant la première représentation qui a pour objectif de tester la pièce avec tous les costumes, de fixer les dernières retouches, d'optimiser les changements et l'habillage. le nom vient du fait qu'elle permettait aux couturières de faire les dernières retouches aux costumes.
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