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Critique de JacobBenayoune


Quelques années avant le Jocelyn de Lamartine, Pouchkine publie son Eugène Onéguine. le grand poète a choisi le tétramètre iambique pour composer ce roman en vers. Cela a causé un véritable malaise aux traducteurs qui se voyaient dans la perplexité de choisir entre une traduction en vers ou en prose, garder la forme ou l'essence. Ainsi la traduction que j'ai trouvée dans cette édition « J'ai lu » était en prose ; une oeuvre de Michel Bayat. Peut-être moins connue que celle d'André Markowicz, mais si l'on prend la remarque d'un certain O. W. Milosz selon laquelle « une traduction est excellente quand, tout en suivant pas à pas le texte original, elle peut être lue avec plaisir à haute voix », je crois que Bayat a bien réussi son défi.

Revenons maintenant à l'histoire de ce jeune homme qui se nomme Eugène. Il s'agit bien d'une intrigue assez simple qui s'éloigne de la tendance littéraire de cette période du XIXème siècle ou comme dit l'un de ses premiers traducteurs « on n'y trouve ni banqueroute, ni suicide, ni prostituées, ni adultères » (Paul Béesau). Mais ce n'est point là l'intérêt de cette oeuvre singulière. Ce qui fait d'elle un livre majeure de la littérature russe, c'est l'omniprésence de Pouchkine dans le roman par ses commentaires et ses digressions pleins de finesse malicieuse et d'ironie espiègle. Il présente ce qu'on nommerait l'âme russe dans toute son étendue.

Le roman nous apprend davantage sur l'art poétique de Pouchkine et sur ses préférences artistiques que sur son personnage blasé qui trouve un refuge dans la campagne, rencontre un poète assez médiocre que l'auteur lui-même s'amuse à mettre en dérision et une fille rêveuse et romantique et qui finalement change de caractère en brûlant de passion, lui le séducteur léger. Ainsi le roman s'avère comme une parodie ingénieuse des oeuvres romantiques de ce siècle (et surtout Childe Harold de Byron) mais aussi comme une représentation réaliste de la vie russe.

Ce roman inaugurera peut-être la thématique de l'individu oiseux et ennuyé qui trouvera un écho dans d'autres ouvrages russes. Cet ennui qui conduira Eugène à se jouer de la pauvre amoureuse et de contrarier son ami lors d'un bal, ce qui engendrera des suites funestes. Cet amour de la liberté qu'on retrouve chez Eugène rime avec cette liberté avec laquelle Pouchkine transgresse les formes littéraires connues dans son pays ainsi que les clichés romantiques. Alexandre nous livre aussi des descriptions pittoresques et vivantes des lieux et des personnages.

Sans doute, il s'agit là d'un ouvrage central dans le parcours de Pouchkine mais aussi dans la littérature russe ; Un vol libre qui nous transporte par sa nostalgie, son ironie, sa culture et son humour à travers l'art de ce poète unique au destin tragique et à travers la Russie de Tolstoï, de Dostoïevski et de Tourgueniev.
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