AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"Ensuite, cette histoire elle-même, y a t-il quelque moyen d'y croire ?"
(p. 18)

Les histoires de Pouchkine se marient à merveille avec le temps sombre et hivernal. Il suffit de fermer les yeux à moitié, et la lumière de votre lampe se transforme en celle des chandeliers en bronze qui éclairent le salon de Naroumof et la table ovale couverte de feutrine verte. On joue au "pharaon". Les flammes se reflètent dans les grands miroirs de la pièce, tout comme les visages fantomatiques des joueurs de cartes. L'atmosphère est un brin fantastique, mais c'est exactement ce qu'il faut...
Le livre de Rutherfurd sur la Russie m'a donné envie de relire quelque chose - n'importe quoi - d'Alexandre Sergueïevitch. Et "La Dame de pique" me faisait un clin d'oeil, ce fameux clin d'oeil qui ne laisse personne indifférent.

Même le grand barde Pouchkine en personne ne pouvait pas imaginer quelle sensation va provoquer l'histoire que lui a raconté un jour son ami, le jeune prince Golitsyne. Car ce joueur invétéré s'est acquitté avec brio de ses dettes en pariant, à l'étonnement de tous, sur une combinaison de trois cartes conseillée par sa grand-mère, la demoiselle d'honneur de Catherine II, Natalia Golitsyne. Natalia, surnommée "la Vénus moscovite" dans sa jeunesse, (et "princesse Moustache" dans sa vieillesse) a beaucoup voyagé, et a rencontré, paraît-il, le comte de Saint-Germain à Paris. Ca vous dit quelque chose ?
En tout cas, la combinaison magique a apporté la vie éternelle sur papier à Natalia sous les traits d'Anna, et a suscité beaucoup d'admiration parmi les auteurs étrangers, notamment chez André Gide et Prosper Mérimée. La petite nouvelle de 1834 a réussi mieux que tous les ouvrages précédents. On commence à s'intéresser à la Russie et à traduire sa littérature. La noblesse russe parie en masse sur les trois cartes de Natalia Golitsyne/Anna Fedotovna... on ne sait jamais ! Et Pouchkine, content, peut noter dans son journal : "Ma Dame de pique a du succès !".

"La Dame de pique" a le parfum du classicisme. Elle est calme et élégante; même la tentative désespérée d'Hermann de faire peur à la vieille comtesse est décrite avec une neutralité déconcertante. Elle est économe, et se suffit à elle-même, joliment vêtue de sa simplicité. Aucun détour vers des événements sans importance, ni vers les personnages secondaires qui traversent rapidement un paragraphe pour disparaître aussitôt. le fil de l'histoire est parfaitement droit.
Hermann n'est pas un joueur, et il peut paraître raisonnable, mais c'est un calculateur et la vision du gain facile grâce à la combinaison d'Anna Fedotovna le change en homme prêt à tout. Quitte à trahir la jeune Lisabeta et de se moquer des avertissements.
C'est peut-être une nouvelle qui ouvre la série des classiques russes sur le thème du crime et du châtiment. Même si le Saint-Pétersbourg noble et élégant de Pouchkine est tellement loin du Piter miteux de Gogol et Dostoïevski. A cause d'une vision de richesse, les héros de ces histoires vont s'aventurer sur un terrain glissant, faire l'inévitable pas de côté et commettre un crime. Mais le destin va leur arracher l'argent gagné, et la santé mentale avec.
Trois, sept, as. Trois, sept, dame... et le clin d'oeil fatal.
Le Destin est cruel envers ces Rastignacs russes... est-ce mérité ? Quoi qu'il en soit, la prose de Pouchkine est aussi belle que sa poésie.

Quelle heure est-il ? Sept de carreau moins le quart... ce qui me donne quelque chose comme cinq étoiles.
Commenter  J’apprécie          8822



Ont apprécié cette critique (76)voir plus




{* *}