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Critique de Eric75


Je m'attendais à une immense fresque, imbriquant le point de vue panoramique et inédit de l'auteur sur l'évolution de la civilisation américaine, pleine de bruits et de fureur, et une exploration intimiste et chirurgicale de la vie quotidienne d'une famille de la middle-class, aux personnages plus attachants les uns que les autres, comme seuls les écrivains américains savent le faire.
Hélas, malgré un pavé de 620 pages pleines de promesses quant à la possibilité de développer un généreux contenu, je me suis vite rendu à l'évidence, nous ne sommes ici ni chez Philip Roth, ni chez Paul Auster, ni même chez John Irving. Ce roman, tout comme son héroïne, manque cruellement de souffle. Lent et répétitif, poussif, il a fallu s'armer de courage pour aller au bout, opération Masse Critique oblige.
La construction classique alterne de façon convenue deux histoires vues par le petit bout et par le gros bout de la lorgnette. D'un côté, l'histoire d'une entreprise américaine fabriquant du savon, du début du XIXe siècle à nos jours, passant en quelques générations de l'entreprise familiale et artisanale à la multinationale hégémonique. de l'autre côté, l'histoire de Laura Bodey, divorcée, deux enfants, atteinte d'un cancer.
Bien sûr, à la fin, les deux chronologies vont converger, sans surprise. Alors, pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas ?
La recette semble pourtant simple. Coupez les deux récits en petits morceaux. Alternez les couches comme dans un plat de lasagnes. Surtout, ne faites aucun chapitre, servez un pavé compact et d'un seul tenant, la recette ici tient plus du pudding que du vol-au-vent. Pourquoi pas, mais le résultat va alors surtout dépendre de la qualité des ingrédients.
La saga des Clare, les marchands de savonnettes, se lit sans déplaisir mais comme un essai d'économie décrivant la complexification des processus de fabrication et l'inéluctable montée du capitalisme états-unien. Froid et technique. Si on échappe aux courbes de productivité et aux camemberts des parts de marché, on a quand même droit aux organigrammes de l'entreprise et aux modélisations de processus. Et, ah oui, les valeurs humanistes d'origine (la propreté et la santé) ont fait place progressivement aux valeurs aliénantes et déshumanisées de l'ultralibéralisme (le pognon et le pouvoir), avec bien entendu son cortège habituel d'effets collatéraux : grèves, répressions dans le sang, délocalisation, chômage, pollution, cancers… Tout cela ressemble à une série documentaire entrecoupée de pauses publicitaires ! On a très souvent l'impression de lire la plaquette commerciale de Procter & Gamble, qui visiblement est le modèle dans la vie réelle de la société Clare.
L'histoire de Laura et de sa famille aurait pu ramener le récit dans un cadre plus romanesque. Il n'en est rien ! Après le documentaire, la téléréalité trash. En définitive, on n'arrive jamais à s'attacher vraiment à ce personnage qui ignore les efforts de son ancien conjoint et de ses enfants pour adoucir son existence et sa lente descente aux enfers, et pour qui le combat semble perdu d'avance.
Evidemment, on peut gloser sans fin sur les quelques idées du roman qui remontent à la surface après avoir remué la vase nauséabonde du monde moderne. Richard Powers se garde bien d'avancer ses propres conclusions en laissant ce plaisir au lecteur. Pas envie. Je passe mon tour.
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