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Citations sur Givre et sang (25)

Il y a quelque chose dans le mot printemps qui suggère non seulement la fragilité des pousses nouvelles, mais aussi ce monde humide, glacé, terreux, odorant de mousse, que les brins d'herbe couleur d'émeraude, les fourreaux et les dagues transparentes ont percé pour émerger enfin à l'air libre.
Le mot printemps, empreint comme il l'est du vert même des tiges de jacinthes, du bleu des œufs de fauvette, du reflet des pétales de chélidoines, est chargé d'une signification à la fois nostalgique et humaine : il oblige l'esprit à se replier, par-delà la supplication de chaque son et de chaque paysage printaniers, jusque dans l'obscure terre primordiale saturée de pluie d'où toute chose sont issues, jusque dans des lieux humides et froids où les baguettes cinglantes du coudrier frappent la peau, où le sol dissimule traitreusement ses marécages, où de jeunes oiseaux et de jeunes lapins sont dévorés par les faucons, où les effluves provoquent de dangereuses accalmies et le retour de douloureux souvenirs, où de noirs liquides empoisonnés suintent du tronc des hêtres, où les bourgeons des prunelliers sont autant de présages du destin, du malheur et de la mort subite.
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Les vêtements mouillés des deux femmes imprégnaient la pièce d'une odeur triste et mélancolique, où se mêlaient les feuilles tombées, les ornières boueuses et la brume enveloppante. L'humidité qui persistait autour de leur corps semblait, par une attraction irrésistible, appeler à travers la petite fenêtre la grande masse mouvante de la pluie.
Les charbons rougeoyants dans l'âtre perdaient de leur chaleur et la lueur rose que reflétait la bibliothèque encombrée s'atténua. Le démon bleu de la flamme qui dansait comme un papillon endiablé au sommet des charbons faiblit et mourut. Un grand visage aveugle et fluide s'écrasait contre la vitre - l'informe visage gris de la pluie. On eût dit qu'un bras fantomatique, ondoyant et obscur, glacé comme celui d'un cadavre, tâtonnait pour s'agripper à ces deux silhouettes ruisselantes, comme si, transpercées par l'eau, elles n'appartenaient pas à la chaude intimité humaine mais aux champs noyés du dehors.
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Le visage de Hastings refléta une violente lutte intérieure : les veines de son cou se tendirent comme une corde de fouet, des gouttes de sueur parlèrent sur son front, son teint se colora brusquement puis redevint pâle, et ses doigts qui jouaient avec un couteau d'argent en courbèrent la lame jusqu'à ce qu'elle parût sur le point de se rompre. Il demeura pétrifié, respirant avec effort comme un être au bord d'une crise. Les femmes le regardaient en silence ; toutes trois semblaient savoir qu'une seule étincelle suffirait à mettre le feu aux poudres, et dans ce silence, le tourbillon de leur penses évoquait trois phares de couleur différente projetant leur lumière sur une mystérieuse tempête.
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Il longea le bord du fossé, cherchant une planche pour le traverser, mais il n'y avais pas de planche : rien qu'un autre fossé noir plus large que le premier. Il connut un moment étrange, atroce, pris au piège là entre ces deux fossés noirs. Les roseaux étaient pourris depuis longtemps, et leurs tiges brunes se dressaient, tordues comme les plumes du crâne d'un oiseau obscène dont le squelette aurait été happé par la boue. Les feuilles mortes des saules avaient presque comblé l'un des fossés, sur l'autre flottait la branche morte d'un aulne, et de tous côtés s'élevait une lourde odeur pestilentielle qui semblait être l'ultime émanation d'un monde à la chair décomposé.
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Les étranges hiéroglyphes inscrits sur la face de la lune semblaient sur le point de lui révéler, à lui seul parmi tous les humains, un des secrets de l'univers. Alors qu'il le contemplait, l'immense disque d'argent se fit plus proche, plus grand, plus brillant. Cessant d'être un satellite de la terre, le simple miroir d'un soleil invisible, il devint un lac circulaire et lumineux qui l'attirait vers lui, qui l'attirait en lui. Le ciel bleu-noir autour de la lune devint un rivage à la pente glissante, sans aucune saillie, aucune lézarde à laquelle Rook pût s'agripper : rien qui arrêtât sa chute rapide, fatale, totale, dans ce gouffre magnétique !
Il eut mal à force de renverser la tête, mais ses doigts ne lâchèrent pas le parapet. Un oiseau nocturne déployant son vol concentrique au-dessus de lui aurait confondu son visage avec une parcelle inanimée de blancheur, dressée là comme un signe dans la nuit.
Rook demeurait immobile, ensorcelé. Et une étrange correspondance s'établit entre le visage blême qui regardait la terre et le visage blême qui regardait le ciel.
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Car il y a quelque chose dans le mot printemps qui suggère non seulement la fragilité des pousses nouvelles, mais aussi ce monde humide, glacé, terreux, odorant de mousse, que les brins d'herbe couleur émeraude, les fourreaux et les dagues transparentes ont percé pour émerger enfin à l'air libre. Le mot printemps, empreint comme il l'est du vert même des tiges des jacinthes, du bleu des oeufs de fauvette, du reflet des pétales de chélidoines, est chargé d'une signification à la fois nostalgique et humain : il oblige l'esprit à se replier, par-delà la supplication de chaque son et de chaque paysage printaniers, jusque dans l'obscure terre primordiale saturée de pluie d'où toutes choses sont issues, jusque dans des lieux humides et froids où les baguettes cinglantes du coudrier frappent la peau, où le sol dissimule traîtreusement ses marécages, où de jeunes oiseaux et de jeunes lapins sont dévorés par les faucons, où les effluves provoquent de dangereuses accalmies et le retour de douloureux souvenirs, où de noirs liquides empoissonnés suintent du tronc des hêtres, où les bourgeons des prunelliers sont autant de présages du destin, du malheur et de la mort subite. (pages 182-183)
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Entre son âme et toute cette immensité envoûtée, jaillit une harmonie impossible à définir, un sentiment qui avait l'abandon du désespoir et pourtant n'était pas le désespoir, qui ressemblait à la solitude et pourtant n'était pas la solitude. Comme si, derrière toute cette chimie éthérée, quelque chose de réel existait qui correspondait à la vieille idée platonicienne d'un univers composé de matière spirituelle, de formes spirituelles, plus rares et plus belles que le monde visible. (page 29)
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Les pensées de Rook n'avaient peut-être jamais atteint à une tristesse plus grande. La paix de cet instant, les innombrables bruissements légers et éphémères de l'été, le mouvement d'un nuage de moucherons indolents qui montaient et plongeaient dans la lumière du soleil, chacun d'eux devenu une tâche dansante intensément consciente, le martèlement continuel et aigu d'un pivert quelque part au-dessus de leur tête, le balancement de l'herbe courbée par un vent plus léger que le souffle même du sommeil, tout contribuait à révéler, à accentuer la futilité pitoyable de la vie humaine et ses erreurs, ses tâtonnements, ses pauvres malentendus.
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La vision de l'oiseau était d'une telle perfection qu'il était presque impossible aux deux frères de la partager. On eût dit qu'elle suscitait une terreur sacrée, car les deux Ashover observèrent son approche dans un silence fasciné. Le cygne semblait flotter sur un mystérieux lac intérieur qui était comme l'idée platonique, l'essence du lac réel qu'ils contemplaient. On eût dit qu'il nageait dan un estuaire soudain projeté de plus loin que les espaces terrestres, venu d'une région de vie plus pure, de l'Eternel, de l'Immortel, qui afflua pendant une seconde ineffable - on eût dit qu'il métamorphosait les eaux du lac en un reflet de sa propre substance éthérée. (page 340)
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Les corbeaux solitaires attardés croassaient en suivant leurs compagnons qui volaient des champs labourés de la vallée jusqu'aux arbres du Grand Tertre d'Antiger, et la voix des freux devint la voix de la nuit elle-même, cette grande entité primordiale et ailée, chargée de douleurs et pourtant invincibles, dolente et pourtant consolatrice, pleine de chuchotements et de murmures, de prémonitions et de souvenirs, en laquelle le commencement des choses avance vers leur fin et la fin des choses revient vers leur commencement. (page 67)
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