[...] Nul n'est digne de vivre, cria-t-il d'une voix forte, s'il ne sait pas... s'il ne sait pas...
- Quoi donc, Père ? murmura la voix à son côté.
Rook fit retentir ses paroles d'une voix victorieuse :
- S'il ne sait pas combien la Vie exige de nous d'être comprise et aimée !
(p. 321)
Nul n'est digne de vivre, cria-t-il d'une voix forte, s'il ne sait pas... s'il ne sait pas...
- Quoi donc, Père ? murmura la voix à son côté.
Rook fit retentir ses paroles d'une voix victorieuse :
- S'il ne sait pas combien la Vie exige de nous d'être comprise et aimée !
La sonde jetée par le pessimisme de Rook avait atteint ce terrible courant souterrain et avait troublé ses eaux.
De très loin, des prairies innondées, lui parvenait de temps à autre le cri rauque d'un oiseau nocturne isolé, d'un engoulevent peut-être, ou d'un butor, et ce cri confirmait sa tragique vision des choses. N'était-il pas lui-même un corbeau de nuit solitaire se lamentant dans une langue inconnue tandis que les souffles humides des eaux en crue recouvraient les marais ?
Je voulais comprendre une impression qui me tourmente depuis toujours. Qu'éprouves-tu quand tu es seul le long d'une route inconnue qui serpente sur une colline dénudée ? Crois-tu que notre émotion vient d'une mémoire atavique que nous gardons du temps où les êtres étaient nomades et plus seuls qu'aujourd'hui ? Ou bien penses-tu que les sensations de solitude que nous perpétuons depuis des générations se rassemblent alors comme s'il y avait en chacun de nous un être, une sorte de Juif errant, dont la conscience serrait entièrement composée de ces impressions de solitude vagues et si peu humaines - un être dont la longue vie mystérieuse à travers les siècles ne serait qu'un unique voyage solitaire ? (page 397)
Rook fut submergé, devant ce regard, par une mélancolie qui lui serrait le coeur, cette mélancolie qui nous empoigne quand, au milieu d'un champ de blé écrasé de chaleur, parmi le champ des alouettes et le bourdonnement de la faucheuse, parmi les tiges jaunes du blé et les coquelicots rouges, nous entendons le tintement du glas et songeons l'enclos du cimetière où la foule se presse, au surplis blanc du prêtre, et à la fosse ovale, béante et cruelle. (page 331)
(..) tu disais toujours qu'une truite que l'on vient de pêcher et de jeter sur l'herbe est une de ces choses dont on se souviendrait avec le plus d'intensité si l'on était transporté sur une autre planète et si l'on cherchait à évoquer ce qu'il y avait de plus frappant et de plus merveilleux dans sa vie terrestre. Et tu disais que l'aspect de ces écailles argentées, de ces taches pourpres, où collent des brins d'herbe vert cru, n'avait pas son pareil (...). (page 330)
Aucun être qui s'analyse ne peut échapper à ce puissant courant de fond où se rencontrent ces deux marées contrairess, la force de vie et la force de mort. Ce que j'ai découvert, c'est qu'il est possible de se glisser derrière la scène et d'ouvrir les vannes, pour que la force de mort innonde tout.
Aucun être qui s'analyse ne peut échapper à ce puissant courant de fond où se rencontrent ces deux marées contraires, la force de vie et la force de mort. Ce que j'ai découvert, c'est qu'il est possible de se glisser derrière la scène et d'ouvrir les vannes, pour que la force de mort innonde tout.
Est-ce que vous percevez ce combat obscur qui a lieu dans les profondeurs...un combat effroyable...entre deux Puissances qui dépassesnt l'homme et dépassent la Nature ? (...) j'ai découvert que l'âme de l'homme est une arme plus dangereuse qu'on ne le croit d'ordinaire.