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Critique de Arakasi


Imaginez Londres en 1850… Londres et son brouillard omniprésent, Londres et ses rues débordantes d'ordures et d'immondices, Londres et ses tueurs fous, ses filles de joie, ses policiers, ses voleurs pouilleux, ses mendiantes rongées par la gale, ses gamins des rues à l'esprit aussi leste que la main… le jeune Roublard fait justement partie de cette charmante élite. Elevé dans les bas-quartiers de la capitale, il a franchi les minables échelons de leur échelle sociale jusqu'à arriver à la profession de « ravageur », honorable métier consistant à draguer la boue des égouts pour y récupérer les menus objets perdus par les bourgeois. Plus malin et plus gouailleur que la plupart de ses collègues, Roublard jouit également d'un sens de l'auto-préservation particulièrement élevé, mais ce sens de la survie ne fait guère le poids face à ses instincts chevaleresques, le jour où il assiste par hasard à l'enlèvement d'une jeune fille de bonne maison.

Bondissant hors de sa bouche d'égout comme un Lancelot en guenilles, Roublard sauve la jolie demoiselle et rosse copieusement ses agresseurs – une action héroïque toute à son honneur, mais qui ne tardera pas lui attirer les pires ennuis, car il contrecarre ainsi les plans de gens importants, riches, décidés et surtout très vindicatifs. Heureusement pour Roublard, il possède lui aussi de beaux atouts en main : sa vivacité d'esprit, son imagination et surtout une foule d'amis aussi démunis que lui, mais prêts à lui donner un coup de pouce en cas de nécessité. Sans compter l'aide mi-bienveillante, mi-goguenarde d'un journaliste de Fleet Street au tempérament curieux, « Charlie » Dickens – allons, allons, je suis sûre que cela vous dit quelque chose…

Et un p'tit Pratchett, un ! Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas offerte une excursion dans l'univers agréablement déluré du plus jeté de tous les écrivains de fantasy britanniques et, comme d'habitude, ce bon monsieur ne m'a pas déçue. Certes, « Roublard » ne fait pas partie de la merveilleuse série du Disque-monde – série que je suis religieusement depuis plus de quinze ans – mais il n'en reste pas moins tout à fait divertissant à découvrir. L'intrigue se démarque un peu de celles de la plupart des ouvrages de Pratchett et, quoique menée à un rythme rapide et soutenu, elle frappe par une construction plus sage et moins délirante. On sent également chez le romancier un vrai désir de réalisme, une volonté de coller au plus près à l'esprit et au contexte de l'époque où se déroule son récit, en multipliant les références et les clins d'oeil historiques (dont certains parfois un peu obscurs aux yeux du lecteur francophone, il faut bien l'admettre). Ces particularités pourraient à la première vue inquiéter les habitués de l'univers pratchettien, mais que ceux-ci se rassurent : si Pratchett se pique de réalisme, il n'a pas pour autant abjuré toute fantaisie. Humour, malice et magie sont toujours au rendez-vous, mais diffusés par petites touches plutôt qu'à la louche. S'y ajoutent une certaine poésie et un zeste de mélancolie moins habituels à l'auteur mais qui donnent à « Roublard » un petit charme bien à lui.

En conclusion, un chouette petit roman et une très bonne façon de découvrir la patte de cet admirable auteur si vous ne raffolez pas de fantastique burlesque ! (Et il faut définitivement que je lise quelque chose de Charles Dickens : entre Terry Pratchett et Dan Simmons, je finis par avoir l'impression d'être la cible d'une vaste conspiration destinée à me faire honte de cet énorme gouffre dans ma culture littéraire… Mais où trouverais-je le temps ? Où ? Où ? Où ? )
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