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Citations sur Bas la place y'a personne (15)

Je savais que le silence était le néant des bruits, le néant des oreilles. Et au contraire, dans la cessation de tout souffle de sons, j'entendis son bruit. Un fil de bruit plus fin que le fil que l'on pouvait tirer du cocon du ver à soie, couleur or pâle comme lui.
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"Passe menace, lance-la bas la place..."; c'est comme ça que ça commençait, je ne sais pas comment ça continuait, mais ça s'achevait par un "bas"long et profond, atroce et très doux qui me renversait comme si vraiment je plongeais dans le vide, tête la première.
Je n'ai pas appris la comptine; quand j'essayais de la reconstruire, une fois arrivée à "bas la place ", des instants d'attente inutile, puis mon esprit, comme s'il parlait, disait "Bas la place y'a personne ".
Même à présent si, dans la tentative de faire ressurgir le reste, je chantonne: "Passe menace, lance-la bas la place.."et je force une résurrection qui n'a pas lieu, arrive tout seul:
"Bas la place y'a personne. "
Telle qu'elle était apparue, disparut la merveilleuse femme.
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Ces gens étaient le feu qui brûle, elle la poêle bien forcée d'être dessus, le petit poisson qui devait y frire, c'était moi.
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Tellement peu habituée à l'attention des gens sur moi que si par convenance forcée quelqu'un m'adressait son stupide"comment tu t'appelles?"Je répondais "non", cela signifiait: "Je ne veux pas repondre". Je haïssais les questions des grandes personnes; quoique rares, elles parvinrent à cribler de trous toute la toile de mon enfance.
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Marcher sans halte possible, c’est ça la vie, marcher sans savoir ce qu’il y aura de l’autre côté quand nous tournerons le coin. Ici il y a un caillou, une fleur, un chat, un bébé qui disparaît sans mourir, un arbre, un ami, soleil, nuage et, nature mêlée à la nature, la douleur obstinée. Si l’on scrute pour savoir ce qu’il y a de l’autre côté, seul répond l’effroi de la question
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La solitude me donnait des émerveillements, les émerveillements effaçaient la solitude.
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Je suis née sous une petite table. Je m’étais cachée là parce que la porte d’entrée avait claqué, c’était que l’oncle rentrait.
L’oncle avait dit : « Renvoie-la à sa mère, ne vois-tu pas qu’elle meurt chez nous ? »
Aucune ambiance autour de moi, pas même de visages, seulement cette voix. Mère, meurt, aucun sens, mais renvoiela, oui, renvoie-la voulait dire mets-la dehors. Renvoie-la voulait dire me mettre à la porte et la refermer.
Bien que protégée par le tapis de table dont les franges effleuraient le sol, j’écoutais très attentivement : des fois qu’ils viendraient me chercher pour me mettre à la porte !
J’étais assise sur les briquettes du sol. Des miettes durcies s’enfonçaient
dans ma peau comme de petits cailloux. Ce premier petit bout de monde emmagasiné par ma mémoire, je le vois comme maintenant je vois ma main qui écrit. Les briquettes rectangulaires couleur croûte de pain, l’une couchée
à plat, l’autre sur chant, faisaient un tissage en chevrons.
Comme plafond, le dessous de la table avec ses traverses de bois ; les quatre pieds unis par des barreaux sur lesquels les gens posaient leurs pieds, plus usés au milieu ; tout cet échafaudage drapé du lourd manteau du tapis de table : que des couleurs nocturnes entretissées de fils d’or ; feuilles noires, fleurs à l’apparence de couleurs mortes, maisons pointues
brodées d’or, dans la partie foncée la moins sombre apparaissaient des têtes de Maures et des yeux étincelants. Le premier fait historique de ma vie, entrelacement de peur et d’émerveillement, eut lieu sous cette table.

La cause de tout, un prêtre. Comment aurait-il pu savoir, lui, que les enfants saisissent plus que les grands ne le supposent ?
Même ceux qui, leurs enfants, les ont faits, ne le savent pas.
Pour les gens bien c’était don Domenico ; pour le commun c’était don Domé. Ma tante disait encore Menghino 1, terme venu d’ailleurs, en train de mourir alors que déjà naissait l’autre : Domé. Elle faisait tout comme une dame, se mêlait au peuple uniquement pour appeler son frère. Lui non, il ne
coupait pas les prénoms, il disait Paolina, lui, il parlait précis comme un dictionnaire. Mais ce qui arrivait à lui, arrivait à elle : une catégorie de gens disait m’dam’ Paolì, une autre madame Paolina.
Nous ne sommes jamais commencés ; personne ne trouvera le piton auquel s’accroche le premier anneau de la chaîne ; sans le chercher, c’est l’Enfant Jésus qui le trouva et dès sa naissance il a déjà l’air de tout voir, de tout savoir ; Lui, c’était un enfant qui pouvait bénir les vieillards. Nous, nous commençons à être avec le premier souvenir que nous rangeons dans notre
magasin. Le lieu où l’on eut les premières alertes de la vie, devient nous-mêmes. Treja fut mon espace, le panorama qui l’entoure, ma vision : terre du coeur et du rêve.
Et pourtant, grandissant là-dedans, son nom me paraissait celui d’une vieille ; j’en avais honte comme j’avais honte de ma tante qui me semblait ridicule et vieille elle aussi : entre nous deux manquait une maman pour servir de marche. Il est clair que cette honte était attachement : on n’a pas honte de qui ne nous appartient pas : ou de nous, ou de qui nous aimons.
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Maramao était le nom d'un petit jeu que les femmes faisaient avec leurs doigts sur la pointe du nez des marmots qu'elles tenaient dans leurs bras, et ces derniers riaient. Moi personne ne me fit Maramao, nul n'aurait pu : on ne me prenait pas dans les bras.
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Les oncles, ou ma mère, avaient loué les services d'une nurse pour qu'elle m'emmène à Bel-Amour quand j'étais requise. Evidemment, Eugenia avait refusé de m'y emmener. Cette nurse était à peine moins vieille que Scolastica, mais elle marchait encore, elle pouvait même me prendre dans ses bras. C'est pour cela que j'étais si grande en chemin et si petite quand, passé la grille, elle me reposait par terre et que je voyais aussitôt plein de petites fleurs bleutées avec quelque chose de clair au centre et qui devait être leur vie. Elles étaient toutes bien serrées les unes contre les autres dans une plate-bande à gauche, devant la façade du pavillon et elles me regardaient ; je pliais les genoux et j'étais avec elles. Je voyais tout, le coeur, les veinures, quelques nuances de rose, le duvet des feuilles. Si l'on pouvait photographier dans l'esprit des choses qui ne se sont pas effacées, je pourrais photographier les fleurettes qui me regardaient depuis ce petit bout de terre.
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Si ces deux-là avaient parlé de leur histoire, de leurs lieux, ils auraient ajouté leur temps au mien ; ils m'auraient enrichie de leurs désuétudes ; au lieu de quoi je restais enfermée dans leur isolement où la vie des autres ne pénétrait pas.
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