Ce qui est mort vit avec nous, mais la mort, elle, nous n'en savons pas même le premier mot. Certains - initiés à quel savoir impossible ? - la disent belle et, comme la demoiselle de Shang-Haï, y attirent vieux et jeunes avec des paroles simples qui rassurent.
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Le désordre du cosmos, en vérité, n'est constitué que de déserts et la désolation y est toujours la rencontre la plus probable, où que l'on porte ses pas. Rare est l'arbre, plus rares encore son ombre, la chaise dans cette ombre et l'ami assis dans le halo de la vie. Ceux que je rencontre se lèvent et partent.
C'est de ces quelques pages qu'il me faut écrire
à présent et faire à mon tour le livre qui me
sera une maison plus intime, un corps pour
mon esprit, une existence pour ma vie.
J'avais la forêt sauvage pour terrain de jeu. Pas d'amis. Je m'en passais sans regret.
Les gens heureux cherchent l'amour au milieu de leur famille, de leur bourg où les mille miroirs des maisons ronronnantes reflètent milles images d'une même figures épanouie. Les malheureux cherchent leur amour parmi les parias et les étrangers des plus lointaines contrées, espérant trouver en leurs yeux et leur cœur leur propre image singulières. Mais qui, au bout du compte, peut se vanter d'être parvenu au bout de sa recherche ? Jamais je n'ai rompu ma solitude.
Les gens se frôlent dans leur pléthorique solitude, personne ne parle vraiment et personne n'entend, mais on touche la terre avec les pieds, avec la bouche, et la terre est comme un grand cahier solide qui porte toutes leurs écritures et souvenirs et de chair.
Qu'est-ce qu'une maison sinon un ordre de briques, de tuiles et d'heures prises à la terre, et aux vies de ceux qui prétendent l'habiter ?
Rare est l'arbre, plus rares encore son ombre, la chaise dans cette ombre et l'ami assis dans le halo de la vie.
Pourtant j'aborde gigantesques les planètes et les galaxies, je les quitte lilliputiennes, dégénérées. L'infini pourvoira-t-il à mes besoins – humblement le gîte d'un monde habitable… puisque pour le couvert mon sac de jute et son inépuisable pain de manioc y suffisent – aussi éternellement que je semble voué à exister ?
En ce temps-là m’en souvient-il
A la nuit noire je venais sur ton toit de velours
Comme un chat de gouttière
J’étais non de la mer mais de la terre
En ce temps-là
Ô mon aimée
J’avais sous ma grand’cape des trophées dérisoires
Des plumes de loriot et des mues de couleuvres
Des clous dans mes bagages
Et je croyais t’offrir tout ça
Avec l’élixir de mon coeur
Goutte à goutte perle après perle
Et je croyais te plaire
Sur le toit de ta maison dans la brume
Ces ardoises glissantes à se rompre le cou
M’en souvient-il
Et maintenant je suis ici.
Rien
Il n’y a rien.