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Critique de michfred


J'ai un peu abandonné mon feuilleton de l'été: à la recherche de Marcel Proust..Mais comme on ne peut pas "poster" sur le même livre plusieurs critiques, je vous retrouve au tome 3 de l'intégrale, bande de petits veinards qui avez presque fini la découverte de ce chef d'oeuvre absolu...

Aujourd'hui, j'ai envie de vous parler de Proust le mondain, l'homme du Ritz - avatar au catleya de l'homme de Rio- celui pour qui la grande aventure commençait la nuit, quand il y avait moins de pollens dans l'air et plus de fragrances de chez Piguet, moins d'hétéros en affaire et plus d'homos en amour, moins de sténodactylographes fraîchement sorties du bureau et plus d'altesses à tête d'oiseau descendant en droite ligne de du Guesclin!

Snob, vous avez dit snob, Marcel Proust? Sûrement, si on s'en réfère à l'étymologie: sine nobilitate, sans noblesse...

En tout cas, Gide lui avait fait cette réputation auprès des Gallimard: dans la grande maison d'édition - qui s'en mordit les doigts- on ne dénoua même pas le paquet de son manuscrit... grasset tira profit de cette énorme gourance!

Et cependant....Proust n'avait-il pas hanté les soirées du Faubourg Saint Germain et questionné ardemment ses amis de salon sur leur généalogie, leurs ascendants, leur blason? N'était-il pas l'auteur du très superficiel Pastiches et Mélanges, des Plaisirs et des Jours, pastiche pâlichon des Travaux et des jours d'Hésiode, sorte de vademecum du parfait dilettante salonnard? N'avait-il pas ébauché un Jean Santeuil décousu et décevant où pourtant toute la Recherche était déjà endormie, comme la Belle au bois dormant du conte, attendant le baiser du Prince?

Mondain certes, mais mondain à l'affût, mondain aux aguets derrière son monocle, épiant les travers et les rites de cette haute société, notant ses "bons mots" souvent creux et parfois féroces, et méditant d'inscrire dans cette immense inanité, dans cette vaste vacuité, la plus grande découverte de toute son oeuvre: celle du Temps retrouvé!

Car c'est bien dans les soirées mondaines de la Recherche qu'ont lieu les "grandes découvertes" ..Insolent paradoxe!

C'est dans un bal que Swann, fou de jalousie, comprend qu'il a épousé Odette par erreur, parce qu'elle lui faisait penser à un tableau de Giotto, et il se met à voir toute la société du Faubourg qui gravite et parade autour de lui, à travers le prisme de ses monocles, comme on regarderait des poissons exotiques derrière le vitrail déformant de leur aquarium..Il voit aussi son dilettantisme, son inutilité...et le Narrateur, derrière lui, décrypte qu'il lui faudra impérativement passer à l'acte.

Observer avec sagacité et ironie ne suffit pas: comme un terroriste doit jeter sa bombe, il faut écrire..Absolument, et dans l'urgence!

A son tour, le Narrateur dans un état second, revient à Paris, après la guerre et la maladie., à l'hôtel de Guermantes où l'on donne une grande soirée.

Tout lui paraît avoir changé.

Il a seulement vieilli et pris du recul: les dreyfusards pullulent, les judéités s'affichent, les mésalliances sont légion, les deux côtés, si séparés de Swann et de Guermantes, n'en font plus qu'un..Il faut écrire, vite, sauver ce qui peut l'être encore par l'écriture..Et les pavés inégaux de la cour renvoient à ceux de Venise, le tintement des petites cuillers du buffet à d'autres cloches secrètes. La fille de Gilberte ressemble à sa mère, qui elle ne ressemble plus à rien..Il fait le beau avec elle: "Que dira-t-on si on vous voir sortir avec un jeune homme?"...Elle le regarde avec ébahissement: "Un jeune homme?" Il a cent ans, pour elle!

Il comprend alors que le temps presse, le temps humain, sans pitié pour tous ces chefs blanchis sous le harnois de la vie mondaine et vaine: ce qu'ils avaient tous sur la tête, ce n'étaient donc pas des perruques poudrées de marquis, ce bal, ce n'était pas une fête costumée...Juste une danse macabre, talonnée par la mort, le vieillissement et surtout talonnée par le vide, l'absence désespérante de traces..

Proust, le mondain, a donné pour écrin à sa découverte de l'essentiel , à l'oeuvre pérenne , au Temps Retrouvé des artistes, le décor le plus creux, le plus fugace, le plus artificiel..

Vous avez dit snob? Vraiment?
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