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Critique de alouett


Cet été-là, sur la butte Montmartre, il y a L'Aspic, La Ficelle, Trois Pouces, la belle Manon… ces bandes de titis parisiens qui tue le temps en allant à la chasse à la grenouille ou en faisant les 400 coups. de temps en temps, l'un d'eux se rappelle qu'il est l'heure de rentrer chez lui pour y prendre une ou deux taloches d'un paternel qui tente de faire régner un minimum de discipline sous son toit, dérober un peu de nourriture pour le copain qui découche.

Mais cet été-là, sur leur terrain de jeu de la butte Montmartre, il y a aussi un promoteur qui tente de s'imposer et sans ménagement aucun, s'époumone : « N'oubliez pas que d'ici un an, nous devons avoir fait de ce cloaque le plus beau quartier de la Butte » !

Cet été-là, c'est aussi l'arrivée de Jean – un petit bourgeois – dans la bande de gamins. Arrivé dans le sillage de son père lorsque ce dernier venait évaluer pour la première fois le terrain constructible, Jean accepte docilement de se faire kidnapper par les marmots de Montmartre. Il va passer quelques jours avec ces enfants des rues, se contentant comme eux de trois ou quatre raisins secs un peu rances. Et puis, pas loin, il y a les artistes : Jules Renard, Theophile Steinlen et surtout, Francisque Poulbot qui croque avec tant de tendresse les gamins de Montmartre… à force de voir Poulbot dessiner, de les côtoyer et de défendre la cause de ces gosses des rues, l'habitude fut doucement prise de les appeler « les poulbots ».

Cet été-là, nous sommes en 1905.

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Hommage à Francisque Poulbot, hommage aux titis parisiens. Patrick Prugne (Canoë Bay, Frenchman…) fait revivre un Paris d'avant-guerre où les préoccupations des classes sociales ouvrières se limitaient au strict minimum. ainsi, dans la bouche de ces petits marmots, il est question d'expulsions locatives, de la faim qui torpille le ventre… mais d'école, il n'est point question.

Des gosses qui s'épanouissent tant bien que mal dans ce contexte social, s'émancipent à leur manière en fuguant en plein milieu de la nuit pour aller retrouver le copain qui dort dans un abri de fortune. Ils apprennent la vie dans la rue, se regroupent en petites bandes… l'union fait la force. Contrer les tentatives d'approche du clan adverse, se serrer les coudes… Prugne propose un univers proche de celui décrit par Louis Pergaud dans La Guerre des boutons… sauf qu'ici, la richesse ne se compte pas en boutons mais en grenouilles… En revanche, ces petits poulbots n'ont rien à envier côté vocabulaire (châtié] des mouflets de Pergaud.

Des aquarelles nous immergent dans un Paris d'époque. Fraiches et un peu délavées, elles ancrent les personnages dans un univers riche et nous invitent à dévaler les rues avec la vélocité d'un enfant de huit ans. Malgré les conditions de vie précaires des habitants du quartier, le lecteur se laisse bercer par l'espièglerie des gosses de Montmartre. le coup de pinceau est précis, il s'arrête sur chaque détail (un vêtement, l'architecture d'un bâtiment, une ride…). Quant à la luminosité, on perçoit aussi bien l'éclat aveuglant du soleil lorsqu'il est au zenith, que les lumières plus douces d'un crépuscule. Des teintes de bleu sombre envahissent les cases la nuit venue, enveloppant les personnages dans l'ambiance conviviale des soirs d'été et invitant le lecteur à s'asseoir à leur côté à la terrasse du Lapin Agile.

Enfin, il faut saluer la qualité du travail éditorial qui livre un très bel objet : édité en grand format (24×32 cm) avec en bonus une biographie de Poulbot, quelques affiches d'époque, un carnet de croquis de 20 pages… le tout sur un papier au grain très agréable à toucher.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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