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Critique de BillDOE


Il a surgi du temple lorsque le gamin et son chien se sont approchés du cadavre ensanglanté de cette femme. C'est un géant, une torche dans une main, un couteau à la lame recourbée et maculée de sang et d'eau dans l'autre. La victime est couverte de peaux de chèvres et a le visage caché par un masque carnavalesque en bois représentant une bête cornue. Sa gorge est tranchée comme pour un sacrifice païen. Elle n'est pas la première… Elle ne sera pas la dernière…
Cette série de meurtres sacrificiels qui s'étale sur près de quarante années fait partie des affaires classées jamais résolues de l'île sarde. Moreno Barrali, inspecteur en chef de la police d'état, a passé le plus gros de sa carrière à essayer d'élucider ce mystère. En phase terminale d'un cancer, il est soulagé lorsque sa hiérarchie crée le service des « gold cases » avec l'aide de deux inspectrices, Mara Rais et Eva Croce.
Piergiorgio Pulixi invente avec beaucoup d'imagination une série de faits divers à la limite du surnaturel. En rédigeant son roman avec de très courts chapitres il donne un rythme infernal à son histoire. Celle-ci, très bien documentée, mêle archéologie, anthropologie, civilisation nuragique basée sur le culte de la déesse mère (la vie), le dieu taureau (la fertilité) et le sacrifice d'une vierge dont le sang est censé ensemencer la terre. Si l'on rajoute l'atmosphère, celle d'une terre brulée sous les assauts d'un soleil caniculaire qui exhale les senteurs de thym, de romarin, de serpolet, sur fond de mer méditerranée dont le bleu azuréen inonde de petites criques où l'on rêve d'y passer des journées à lézarder, on rend grâce à l'auteur d'avoir eu ce talent de nous immerger dans ce véritable paradis terrestre qu'est la Sardaigne. de même il a su décrire parfaitement le caractère rustique de l'autochtone. Jusque-là, le dépliant touristique est parfait, on achète le séjour pension complète pour une durée indéterminée. le roman de Piergiorgio Pulixi réunit les principales qualités d'un « nature writing ».
En ce qui concerne le polar, l'auteur organise son roman comme un jeu d'échec, il avance chacun des pions qui vont être déterminant lors de cette intrigue policière. Mais il faut attendre la seconde partie du roman, soit après la présentation de tous les éléments de l'intrigue, pour que l'enquête démarre vraiment. Et quand elle démarre, c'est pour emporter le lecteur dans ses méandres les plus obscurs et pour son plus grand plaisir, ce qui sauve ce roman. Ce n'est qu'à ce moment-là que l'histoire prend toute sa dimension dramatique et que l'intrigue atteint une tension paroxystique. Inutile d'essayer de trouver le ou les coupables, le dénouement est insoupçonnable.
Le texte est persillé de mots et expressions sardes, ce qui ne rend pas toujours la lecture fluide et casse le rythme imposé par la succession des brefs chapitres. Heureusement le plus souvent ils sont suivis de leur traduction en français, mais pas toujours.
Certains dialogues n'ont pas la maturité ni la vraisemblance pour donner un accent dramatique à cette histoire. Au contraire, ils tournent parfois à la digression et éloignent le lecteur de la noirceur de ce roman.
Concernant les personnages, l'auteur nous laisse deviner des caractères bien trempés, des natures brisées par des accidents de la vie, mais dans les faits, on ne remarque pas suffisamment tôt dans le récit que nos héros en soient particulièrement traumatisés. Ce n'est que par la suite que l'on découvre les blessures psychologiques qu'ils ont subies. Et elles ne sont pas des moindres.
« L'île des âmes » est certainement un très bon roman policier pour lequel il ne faut pas s'attarder sur la première partie mais foncer sur la suite qui est passionnante et addictive.
Concernant le choix éditorial, c'est une réelle bonne idée qu'ont eu les éditions Gallmeister que d'ouvrir leur offre à d'autres destinations que les états unis d'Amérique, d'arpenter le monde afin de dénicher l'Oeuvre.
« C'est pourquoi fault ouvrir le livre et soigneusement peser ce que y est déduict. [...] Puis, par curieuse leçon et méditation fréquente, rompre l'os, et sugcer la substantificque moelle, [...]. » Rabelais (source Wikipédia).
Merci aux éditions Gallmeister et à masse critique babelio, pour la découverte de cet auteur en gestation et de son roman ethno-policier « L'île des âmes ». On attend une suite, bien évidemment…
Traduction de Anatole Pons-Reumaux.
Editions Gallmeister, 536 pages.
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