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Critique de Henri-l-oiseleur


Le beau livre de conversations légères et savantes, à la Fontenelle, de Seth Lerer sur l'histoire de l'anglais ("Inventing English") m'avait particulièrement charmé par ses premiers chapitres : du poète Caedmon, "Old English and the origins of poetry", sur la période anglo-saxonne proprement dite, jusqu'à "From Kingdom to Realm", sur la littérature anglaise après la Conquête normande. Ce que Lerer écrit aux chapitres suivants sur Chaucer, -- "Lord of this language" --, Julienne de Norwich, Shakespeare, -- "I do, I will"--, jusqu'aux Negro-spirituals et l'éloquence de Martin Luther King, est aussi merveilleux. Mais on n'a pas lu Tolkien dix fois dans le texte pour résister à un tel pavé (ou une telle somme) sur le Moyen-Age anglais, ce Companion, qui passera toujours avant Shakespeare, Milton ou Martin Luther King. D'où ce "Companion to the Anglo-Saxon Literature", aussi médiéval, aussi spécialisé et universitaire que possible, et qui se lit comme un roman.

D'abord, ce sera la première surprise, les auteurs recourent abondamment à la critique la plus contemporaine, du structuralisme à la théorie du genre, interrogeant la notion d'auteur, posant des questions ultra-contemporaines sur une littérature ancienne. Ce livre fournit une initiation bienvenue aux derniers courants de la pensée du langage et de la littérature. Ensuite, on découvre que cette Angleterre des VII°-XI°s, loin d'être livrée à l'ignorance crasse d'un "Moyen-Age obscur", est un centre brillant de littérature latine et anglo-latine : comme les Anglo-Saxons ne se croyaient pas romains, ils n'hésitèrent pas à traduire la Bible latine, les premiers en Occident, et à produire des versions d'une grande beauté, pieusement recueillies par les Reformers, les traducteurs protestants du XVI° et XVII°s. Enfin, j'ai été très frappé par les réflexions sur la production et la réception littéraires dans un univers où l'écrit est rare : ce genre d'univers ne connaît pas la distinction entre lettrés et illettrés, mais des centaines de nuances entre ces deux extrêmes, ce qui pose, à la lumière des essais de Michel Foucault, de belles questions sur la notion d'auteur et de lecteur.

Un très bon livre, dont la richesse et le caractère universitaire ne devraient effrayer personne.
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