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Critique de bobfutur


On peut dire qu'il arrive au bon moment.
Ces débats sont à présent partout, et la majorité silencieuse, avec ou sans présupposés, doit se pencher sur ces questions sous peine de ne plus rien y comprendre.
Mise à jour demandée des logiciels : ( bien / mal ),( progressiste / réactionnaire ),( je / nous )
Voilà, l'intersectionnalité est dans la place, issue de plusieurs dizaines d'années de maturation dans les laboratoires de la radicalité, offrant un regard neuf et une ligne révolutionnaire (au sens qu'elle pointe des causes précises, et que leurs modifications entraineraient, selon elle, des conséquences immédiates ) à nous sociétés occidentales.

On pourrait facilement s'inquiéter de la recrudescence des radicalités dans l'arène du pragmatisme, débordant des travées que l'Equilibre leur a normalement réservées, pétries qu'elles sont de raccourcis, sophismes et autres paradoxes.
Paradoxe d'ailleurs, c'est bien à ces points de frictions qu'une pensée s'aiguise et grandit, s'ébauche de ses scories en s'affrontant à ses contradictions.
Que de ces pensées, wokes aux adeptes du grand-remplacement, naissent des paradoxes, n'a rien d'étonnant ou d'invalidant quant à leurs développements. C'est le fait de s'y confronter, de devoir convoquer des référentiels plus vastes pour tenter de les contourner, d'arbitrer, qui poussent à abandonner le noir et blanc, rite de passage exsudant normalement l'idée de sa gangue dogmatique : la radicalité comme enfance d'une pensée.
On pourrait y voir l'éternelle querelle des anciens et des modernes, d'ailleurs…
Le « avec nous ou contre nous » comme un vilain appareil dentaire…

Mais le monde des idées est coutumier du fait… rien que notre bon vieux capitalisme n'a toujours pas dépassé, sur beaucoup d'aspects, l'âge de raison; les limites physiques planétaires bien enterrées, recouvertes de linge sale et de cartons de pizza. La croyance au progrès technologique permanent (d'où une croissance énergétique continue) procède à la manière de la religion. On croit.

Pourquoi tenter d'élargir le spectre de manière un peu tautologique ?
Pour souffler, prendre une pause… et ce livre le permet, car en plus de servir de « le débat actuel, pour les nuls », il sait poser les questions à ceux qui en ont éclusé, déroulant le champ des possibles à mesure que chacun ferait preuve de sincérité, son héros Roscoff comme monument-marronnier du roman français contemporain (liste des auteurs que vous connaissez ci-jointe), maniant brillamment une épice nationale au dosage compliqué : le cynisme.
C'est une des réussites de ce roman : juste ce qu'il faut… quelques gouttes de doute…
Certes, il plaira davantage aux anti- qu'aux pros, mais impossible de ne pas y voir une démarche honnête.

Ce livre se concentre sur la partie la plus paradoxale pour nous, français, la race.
Il laisse de côté, non sans y faire allusion, l'autre grand versant, voie ombrée de plus grandes difficultés, le genre.
Il est très habile à dérouler, sous la patine du souvenir, l'histoire récente des mouvements anti-racistes, ses lignes de forces, ses figures, de touche-pas à-mon-pote, à l'époque plus affirmative du collectif égalité(*), de la genèse d'une certaine socio-anthropologie anglo-saxonne, à sa diffusion massive sous le pavillon de l'intersectionnalité actuelle.

(*) Souvenir de ma grande soeur, Fanny, composant un article pour feu le magazine Tribeca parisien, interviewant en cette fin de millénaire l'écrivaine Calixthe Beyala, posant la question de la « discrimination positive », nous laissant bras ballants devant sa contradiction avec certaines valeurs de la république, au nom du progrès moral, nous qui étions de gauche…)
...
Respirons bien.
Devant nous est proposée par la société une Rapunzel « racisée et conscientisée », transformée, par la magie de la publicité, en Reine de Sabamazon…
On reprend… ?

Bien construit, bien fléché (et sans couleur flashy), bien rythmé, bien écrit., il se pose en attendant que le génie romancier anglo-saxon se charge d'en écrire l'un ou l'autre de définitif, Lionel Shriver comme candidate déclarée (bien qu'on devrait moins se marrer qu'avec Philippe Muray…)
(*crac*)
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