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EAN : 9791032909294
384 pages
L'Observatoire (18/08/2021)
3.94/5   997 notes
Résumé :
« J'allais conjurer le sort, le mauvais oeil qui me collait le train depuis près de trente ans. Le Voyant d'Étampes serait ma renaissance et le premier jour de ma nouvelle vie. J'allais recaver une dernière fois, me refaire sur un registre plus confidentiel, mais moins dangereux. » Universitaire alcoolique et fraîchement retraité, Jean Roscoff se lance dans l'écriture d'un livre pour se remettre en selle : Le voyant d'Étampes, essai sur un poète américain méconnu qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (226) Voir plus Ajouter une critique
3,94

sur 997 notes
Rentrée littéraire 2021 #37

Ben je me suis régalée ! Cela fait longtemps que je n'avais pas lu un livre aussi enjoué et intelligent ! Abel Quentin propose une radiographie affutée et éclairée, terrifiante de justesse aussi, sur les évolutions de notre société entre crise de l'universalisme, mutations générationnelles, dérives identitaires et violences des lynchages sur les réseaux sociaux.

Le narrateur, Jean Roscoff, est l'antihéros par excellence : fils des années 1980 et de la gauche mitterrandienne, il a connu la Marche des Beurs, l'antiracisme à la papa avant de foirer sa carrière universitaire avec un livre raté sur les époux Rosenberg. La soixantaine tassée, il publie chez un éditeur confidentiel un livre sur un très très très méconnu poète américain communiste qui s'est tué dans l'Essonne en 1960 après avoir fréquenté Sartre and co. Sujet a priori inoffensif ... sauf que Jean Roscoff a une constance remarquable à opter pour les mauvais choix et à faire n'importe quoi, son alcoolisme avoué ne l'aidant pas à éviter la récidive. Sauf qu'en 2021, un mot suffit pour un départ de feu immédiat. La mécanique dévastatrice de la polémique moderne se met en branle.

Le truculent Jean Roscoff évoque irrésistiblement les personnages de Philip Roth ou de J.-M. Coetzee ( celui de la Disgrâce notamment ) : des hommes dont la vie est faite, les combats menés, piégés dans leur époque, incompris par leurs contemporains. Abel Quentin a un talent de satiriste évident. Avec un humour très présent et rythmé, il croque notre époque avec une acidité qui appuie là où ça fait mal : les milieux littéraire et universitaires, et surtout la collision générationnelle à l'oeuvre dans la woke culture.

Depuis la Marche des beurs, le vocabulaire de l'antiracisme a changé et le narrateur ne les maitrise pas : « racisé », « privilège blanc », « appropriation culturelle », « intersectionnalité », lui dont le logiciel est profondément universaliste. Lui qui se définit comme progressiste n'est plus qu'un boomer mâle blanc clashé par la jeune génération ultra militante, excessive dans sa bonne foi, sans indulgence ni nuance.

Ce qui est très fort, c'est que malgré sa casquette de satiriste quasi houellecquienne, jamais Abel Quentin ne sombre jamais dans le brûlot méchant. Il souligne juste les excès de certains activistes à s'enfermer dans une communauté, à jubiler de façon malsaine dans une campagne de shaming après avoir sonné l'hallali pour ostraciser l'ennemi désigné avant de passer au suivant . Au contraire, il invoque les figures tutélaires de James Balwin ou Frantz Fanon, qui combattaient farouchement le racisme sans jamais se complaire dans la peau de la victime et surtout avec,en tête, le projet de faire société.

Un roman dense, enlevé par une hauteur de vue remarquable et un sens de l'intrigue impeccable, jusqu'à un réjouissant épilogue en ironique clin d'oeil.
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Jubilatoire ! Féroce ! Férocement jubilatoire ! Pourtant la couverture n'attire pas vraiment l'oeil, le titre encore moins…mais oui, ce livre est tout simplement un régal, il est excellent ! J'ai ri, parfois aux éclats.

Abel Quentin, dans un ton enjoué, sarcastique et vif, découpe finement au scalpel l'évolution de la lutte antiraciale et, par là même, celle de notre société, ses travers, ses évolutions générationnelles, ses mutations professionnelles, ses moyens de communication incontrôlables parfois dévastateurs. Sa soif absolue de vérité, d'égalité et de justice aussi qui engendre une forme d'intransigeance et des codes qu'il est facile d'outrepasser quand on ne les comprend pas, précisément, ces codes. C'est d'une justesse incroyable et ce n'est pas que jubilatoire…c'est drôlement instructif. A présent le wokisme n'a plus de secret pour moi !

Jean Roscoff, bedonnant universitaire retraité, bien porté sur la bouteille, politiquement à gauche comme en atteste indéniablement, pense-t-il, ses engagements à SOS Racisme dans les années 80, va s'attirer les foudres des wokes sur les réseaux sociaux. Les wokes, les «éveillés », les « conscientisés », celles et ceux qui sont conscients des injustices subies par les minorités, qui font de cette conscience un militantisme contre toute forme d'appropriation culturelle. L'insupportable petite amie de sa fille, Jeanne, est précisément woke et nous le savons dès la première phrase du livre :

« Nous sommes tous des enfants d'immigrés »… Ça veut dire quoi, ça ? Vous pensez vraiment que vous pouvez ressentir le dixième de ce que ressent un immigré ? Vous ne pensez pas qu'il était temps de les laisser parler, les « enfants d'immigrés » ? de ne plus confisquer leur voix ? Jeanne, la nouvelle copine de ma fille avait un regard dur, la bouche pincée. Elle me faisait penser à une puritaine qui aurait vécu dans l'Iowa, disons, en 1886. Sa mâchoire était contractée sous l'effet d'une souffrance continue".

Donc les wokes vont le clouer au pilori suite à son essai intitulé justement « le voyant d'Étampes » et portant sur un poète américain, un dénommé Robert Willow. Exilé en France dans les années 60 suite à la vague du Maccarthysme, ce poète aura côtoyé la bande de poètes communistes, notamment Jean-Paul Sartre, avant de s'isoler en banlieue parisienne, à Étampes, et de se tuer dans un accident de la route. Jean Roscoff, qui a le don de se passionner pour des sujets qui n'intéresse personne, va ainsi écrire un essai sur ce poète. Il espère que cet essai va lui permettre d'atteindre enfin une forme de renaissance, une reconnaissance sur le tard. Il relate donc avec passion l'engagement communiste du poète. Sa distance et son isolement ensuite.Sa poésie presque médiévale. Sauf que Roscoff néglige un détail, un petit détail : le poète était noir. L'universitaire voit avant tout en effet le poète exilé, il voit l'homme, sa solitude, ses errances, et ne pense pas à le définir par son identité raciale, car c'est réellement un détail pour lui. Sauf que pour les wokes, ça veut dire beaucoup. Et voilà notre homme renvoyé à son état d'homme blanc qui s'arroge le droit de s'accaparer l'identité de l'homme noir, de l'effacer, de le rendre invisible…Voilà ce que Jean Roscoff découvre, sonné, au lendemain de la sortie de son livre et de son intervention dans un petit bar confidentiel :

« La couleur de la peau du poète semble une contingence trop vulgaire, une précision inutile. le poète selon Roscoff est un ange, un être séraphique qui plane, gracile, au-dessus de son temps. Mais peut-on séparer l'oeuvre des circonstances dans lesquelles elle a vu le jour ? À certains moments, le déni ressemble furieusement à la mauvaise foi. (…) Déni, vraiment ? Il est permis de se poser la question ».

Cette critique va devenir affreusement virale…et Abel Quentin de nous en expliquer l'engrenage implacable. Engrenage des réseaux sociaux et de la sphère médiatique entre les dents duquel va se faire broyer Roscoff accusé d'une chose qu'il ne connait pas : l'appropriation culturelle… Cette critique aura le mérite d'ébranler les certitudes de notre homme (est-il raciste au fond ? quelles sont les raisons profondes de son adhésion à SOS racisme dans les années 80 ? N'a-t-il pas écrit l'histoire de ce poète à l'aune de ses propres biais, avec ses lunettes et son obsession du communisme aux États-Unis sans réaliser que, peut-être, Willow fuyait également la ségrégation raciale ?) avant de le faire chuter encore plus bas qu'il n'était déjà…ce petit blog sans danger n'étant finalement pas une goutte de fiel dans le néant comme il a cru au tout début.

Le décalage de ce sexagénaire avec les codes, les prises de positions et les vérités péremptoires de la jeune génération est radiographié avec un mordant et une justesse impitoyable. L'auteur appuie avec délectation là où ça fait mal et dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas de peur d'être voués aux gémonies…Cette crainte aujourd'hui, cette hésitation entre le silence sur le genre ou la race car cela nous apparait soit sincèrement secondaire, la personne important avant toute chose et ne peut être réduite justement à son genre, sa race, soit gênant ; ou au contraire la mise en valeur de ces éléments contextualisant et expliquant un parcours…Tiraillements entre des injonctions contradictoires…Je comprenais Jean tout comme j'ai aimé sa façon bougonne de se remettre en question. C'est la grande force du livre : s'il montre les hussards du wokisme d'un oeil impitoyable, il ne leur donne pas tort non plus. Il illustre le décalage de ton, l'évolution de la lutte anti-raciste qui est plus subtile aujourd'hui qu'un simple « Touche pas à mon pote ».
Sa détresse de ne plus comprendre dans quel monde il vit, de ne plus avoir les codes, de se marginaliser peu à peu, est particulièrement touchante.

« On ne dira jamais assez le vertige de celui qui réalise qu'il n'est plus dans le coup. Quelques individus de ma génération compensaient ce vertige par le fait qu'ils étaient en responsabilité. Ils avaient encore prise sur quelque chose, un travail, une tribune, un engagement associatif. Ils étaient encore, du point de vue économique, du point de vue du pouvoir, dans le jeu. Dans le game, aurait dit Léonie ».

Quant au style, Abel Quentin a un talent certain. Il a notamment une façon de croquer ses personnages tout à fait truculente, sans jamais tomber dans la caricature, c'est un régal et témoigne d'une grande finesse d'observation…tout comme l'est celle de résumer un milieu, que ce soit le milieu universitaire (des passages d'anthologie), le milieu professionnel du coaching…

« le jeune dandy à crinière n'était plus. Quelques vestiges perpétuaient son souvenir : lippe charnue, sourcils épais et regard bleu horizon. Pour le reste, je ne me faisais pas d'illusion. J'étais un sexagénaire aux jambes maigres, avec une bedaine ; morphologiquement, je ressemblais à un poulet-bicyclette »

« La fac était le décor familier qui me déprimait autant qu'il me rassurait et c'était celui des ensembles en béton, de la morgue intellectuelle, des rétributions symboliques, des cols roulés, des publications pointues, des colloques jargonneux, des photocopieuses en panne, des jeux de pouvoir invisibles, ascenseurs vétustes et amiantés, chapelles, culte des titres, grades, étudiants chinois effarés, acronymes mystérieux, baies vitrées sales, syndicats sourcilleux, cartons de tracts crevés, tags fripons dans les chiottes, c'était cette vieille ruine au charme inaltéré : l'Université. J'y avais passé près de quarante ans, elle ne m'avait pas ouvert les portes aussi grandes que je l'aurais souhaité, elle m'avait déçu mais enfin c'était mon monde, mon environnement naturel ».

Il m'est d'avis que ce mot de woke, dont nous entendons beaucoup parler, va certainement rentrer dans le dictionnaire prochainement tout comme a été sacralisé le mot cluster. En attendant soyez éveillés et conscients d'avoir là un livre à ne surtout pas manquer, plongez dans ce livre qui vous donnera quelques courbatures aux zygomatiques, aucune hésitation, vous ne commettrez ainsi aucun impair !!


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Débordé par sa gauche !
Un comble pour Jean Roscoff, universitaire retraité qui croyait que ses engagements à SOS Racisme dans les années 80 lui valaient une immunité réactionnaire, touche pas à mon rosier et qui va se faire électrocuter sur les réseaux sociaux, bouc des émissaires woke.
L'objet de la vindicte indigéniste ? Un essai sur un poète américain qui s'exila en France dans les années 60, qui côtoya une intelligentsia parisienne déboussolée par le stalinisme, avant de se tuer dans un accident de la route près de sa retraite d'Etampes.
De quoi déchainer les passions… de la famille de l'auteur et d'étudiants binoclards avec des vestes en velours. Que nenni, le monnde hennit. Ce pauvre Jean Roscoff, plus spiritueux que libidineux a négligé un détail : le poète était noir. Et en expliquant son parcours par ses idées et non par son identité raciale, le vieil universitaire va être renvoyé à son état d'homme blanc qui ose s'approprier une identité qui n'est pas la sienne, qui décolore pour rendre invisible, incapable d'envisager ce qui a pu motiver ce Robert Willow, poète et jazzman.
Nostradamus, tu ne l'as pas vu venir dans les étoiles Babéliotes ce « voyant d'Etampes ». Il faut dire qu'avec cette couverture dépressive et un titre aussi vendeur qu'un lundi sous la pluie, il ne partait pas en première ligne lors de cette rentrée littéraire. Et bien, je vous le dit, non vous le hurle, mieux, je vous le manifeste avec une banderole sponsorisée par tous les syndicats si besoin, je sors un hygiaphone sous vos fenêtres avec des slogans d'une grande profondeur, genre « Lecteur t'es foutu, ton marque page est dans la rue » ou « qui ne saute pas, n'as pas lu Quentin », ce roman est une merveille.
Philip Roth s'est réincarné. Il est français, drôle, et vient de livrer le roman de cette rentrée. Pour les autres, c'est par ici, la sortie. Ce roman, c'est une nouvelle version de « La Tache » que les apôtres de la victimisation veulent frotter pour la faire disparaitre. Ils veulent laver moins blanc que blanc. Péter un boulon et déboulonner les statues.
Cette histoire confronte les générations et les idées sans trébucher dans la flaque du pamphlet. L'intellectuel usé, fatigué par les échecs de sa vie, interroge ses certitudes, se défend, se remet en cause, s'excuse, combat. Ses mésaventures et sa naïveté de l'époque sont irrésistibles. Son ex-femme impitoyable de lucidité, sa fille indécise, la compagne militante et insupportable de celle-ci, ses quelques amis qui oscillent entre gauche caviar et idéaux perdus dans les (oeufs de lompes ou de) limbes, le petit éditeur craintif, tous les personnages sont bien carnés et échappent à la caricature. Les failles de Roscoff permettent de rendre le propos équivoque et nuancé.
Au-delà des idées, de l'universalisme ébréché par des « éveillés » qui ont déterré la hache de guerre des identités, l'auteur écrit surtout une farce ironique de notre temps qui s'attaque à l'intolérance et à la violence anonyme.
Tous les voyants sont au vert.
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Jean Roscoff, maître de conférences en histoire prend sa retraite à soixante-cinq ans, après une carrière sans relief. Désoeuvré et seul depuis que sa femme l'a quitté, il peine à garder le cap mais décide de se reprendre en main en écrivant un nouveau livre, une biographie d'un écrivain américain méconnu.
La parution de ce livre, au lieu de faire revivre Jean Roscoff, va le précipiter en enfer car il est voué aux gémonies, ne répondant pas aux critères de l'« idéologie woke ». Victime d'une cabale injuste, happé dans un tourbillon infernal, faisant l'objet d'une chasse à l'homme, Jean Roscoff, profondément antiraciste, n'imaginait pas la tempête médiatique que son roman allait provoquer, entrainant un torrent de violence pour avoir vu en Robert Willow, son personnage principal, l'écrivain, le poète talentueux, avant l'homme noir.

Le terrorisme pseudo-intellectuel venu des Etats-Unis et qui sévit depuis peu en France est bien décrit dans ce roman. A travers une écriture brillante et nuancée, Abel Quentin a su, avec humour, évoquer un sujet grave, très préoccupant et insidieux, essayant d'éveiller des consciences sur les dérives identitaires et les dangers idéologiques de la « culture woke » (je n'ai pu éviter l'oxymore). Il souligne également le danger face aux réseaux sociaux dont son personnage principal ne maîtrise pas les codes, outils qui peuvent se déchainer en meute féroce afin de tout détruire lâchement et anonymement dans des cabales incontrôlables.

Ce roman est excellent et souvent drôle, sans jamais tomber dans la caricature, faisant penser au livre de Philip Roth « La Tache », et sa descente aux enfers. Il est celui d'une époque où des militants bornés de la « cancel culture », funeste et inquiétante invention idéologique provenant des universités américaines, tentent d'imposer leurs propres normes.

Abel Quentin fait preuve d'un rare talent pour décrire un grave problème actuel, cette censure idéologique qui met en péril la vie de la pensée. Sans doute un des meilleurs livres de 2021.
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Doté d'une rare finesse d'observation, Abel Quentin analyse l'évolution de l'antiracisme et le harcèlement sur les réseaux sociaux en décrivant comment Jean Roscoff, universitaire fraichement retraité, homme de gauche formé par l'UNEF et SOS Racisme, devient un pestiféré voué aux gémonies et dénoncé comme odieux réactionnaire.

Spécialiste des USA, du maccarthysme, de la guerre froide et du parti communiste américain, Roscoff a publié en 1995 un ouvrage sur l'affaire Rosenberg, plaidant pour l'innocence de Julius et Ethel. Au lendemain de cette parution, la CIA déclassait ses archives et publiait les preuves de leur espionnage au profit de l'URSS. Sa carrière en subit les conséquences durables.

Trois décennies plus tard, enfin retraité, Jean se passionne pour Robert Willow, américain, jazzman, communiste exilé en France dans les années cinquante où il devient poète, passe de Miles Davis au chant grégorien, se retire à Etampes et meurt victime d'un accident de voiture.

« le voyant d'Etampes » présentait toutes les caractéristiques pour devenir un ouvrage confidentiel réservé à une clientèle limitée à quelques Babeliotes 😉)

Mais Roscoff a oublié que Willow était « afro-américain », un « black ». Et ce « détail » attire l'attention des « éveillés » et il est dénoncé sur les médias sociaux, son logement attaqué et sa fille agressée. Jean Roscoff est invité par Radio France. « le voyant d'Etampes » devient un bestseller !

Abel Quentin montre la dérive d'une gauche soixante-huitarde parvenue aux affaires sous Mitterrand et l'émergence de l'idéologie Woke avec ses militants « intersectionnels radicaux », experts en manipulation digitale, mobilisant les paumés pour leurs basses oeuvres contre « le privilège blanc ».

C'est passionnant, instructif, inquiétant. Car abattre les statues n'est pas l'apanage des talibans afghans mais l'objectif des inquisiteurs fanatiques de la « cancel culture ».

Écrit d'une plume aussi caustique qu'élégante, ce roman souffre hélas de quelques coquilles typographiques et d'une numérotation aberrante des chapitres.

Mais il mérite largement ses cinq étoiles et s'affirme comme un des romans les plus remarquables de cet automne.

A lire avant que la censure des bienpensants ne le place sur le bucher !
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critiques presse (8)
LeJournaldeQuebec
22 juillet 2022
Le Voyant d’Étampes est la version moderne de la pièce de Miller. C’est la même chasse aux sorcières, le même puritanisme, le même sectarisme messianique qui transforme chaque « non-croyant » en coupable, un coupable qu’il faut punir, immoler, sacrifier sur l’autel de la pureté intellectuelle.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Culturebox
12 janvier 2022
Entre mauvaise foi, aveuglement et incompréhension, Roscoff se débat et ne comprend pas comment un tel acharnement à son encontre est possible. […] Jouissif et terrifiant… Très "houellebecquien" !
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeSoir
13 octobre 2021
L’auteur du « Voyant d’Etampes » lance un pavé dans la mare de la « cancel culture » avec ce roman drôle et percutant qui trace des parallèles entre les époques. Un sérieux candidat au Goncourt.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LaLibreBelgique
12 octobre 2021
Avec "Le voyant d’Étampes", Abel Quentin publie un puissant roman sur les excès de la "cancel culture".
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeDevoir
11 octobre 2021
Entre culture du bannissement et appropriation culturelle, Abel Quentin fait avec un humour ravageur un éloge immodéré de la nuance.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LeFigaro
23 septembre 2021
Un roman drôle sur les affres d’un universitaire au temps de la «cancel culture».
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeFigaro
06 septembre 2021
Le Voyant d’Étampes d’Abel Quentin est le grand roman de la «cancel culture». C’est surtout l’éclosion d’un extraordinaire écrivain.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
17 août 2021
Abel Quentin s'était fait remarquer il y a deux ans avec Soeur, premier roman sensationnel sur une ado convertie à l'islam. Le Voyant d'Etampes lui permet de creuser le même sillon ultracontemporain : ausculter les cancers de l'époque. Il raconte ici l'examen de conscience d'un intello dépassé par les événements tout en riant avec verve de voir une certaine gauche se faire dévorer par ses enfants. Un livre d'anar de droite ? Pas du tout, et c'est là tout le talent de Quentin : se servir du roman pour mettre en scène les idées les plus variées sans se prononcer lui-même. Impossible de savoir ce qu'il pense. Cet héritier de Balzac a plus d'un tour dans son sac.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (179) Voir plus Ajouter une citation
Dans ma génération, parmi ceux qui avaient défilé entre République et Nation, parmi tous les enfants chéris du mitterrandisme, beaucoup s'étaient droitisés pour des raisons essentiellement économiques. Ils avaient forci, acheté un
appartement, deux appartements dont le prix avait quintuplé sous l’effet du boom immobilier. Ils avaient acheté des maisons de campagne.

Ils s'étaient félicités lorsqu'un fils d’ouvrier, un socialiste austère et probe du nom de Pierre Bérégovoy avait dérégleinenté les marchés financiers. Ils avaient acheté des actions, poussé les portes capitonnées des fonds d'investissement, ils avaient de plus en plus d'argent et des nuances s'étaient glissées dans leurs conversations : « Il y aun principe de réalité », « il ne faudrait pas non plus décourager les gens », « bien sûr que je crois à limpôt, oui, je suis socialiste : mais pas à la fiscalité punitive ». Et puis bientôt : « il faut arrêter de faire croire aux gens qu’on peut raser gratis », « on est bien obligés de regarder ce que font les autres », « la concurrence mondiale est une réalité ».

Arrivés à la cinquantaine, la peau ravinée par les plaisirs, la peau creusée et ravinée, ces hommes et ces femmes prononcèrent des mots comme « le culte malsain de la dépense publique ». Les hommes portaient des vestes légères sur des chemises bleu ciel, des chapeaux, des pantalons chino. Ils apparaissaient, épanouis par leurs festins de viande, repus de carnages, dans la loge d'un client, à RoIand-Garros. Ils ressemblaient tous plus ou moins, dans l’allure générale, dans l'impression qui demeure après que le souvenir d'un visage s’est évanoui, à Dominique Strauss-Kahn.
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Camus se lève, donc. Quatre mille personnes tendent l'oreille. Il ne harangue pas, il veut parler aux intelligences et il veut parler aux cœurs aussi. Il veut atteindre cet endroit fragile qui est le point de contact entre le cœur et lintelligence. Il veut faire entendre une voie différente «au milieu d'un monde desséché par la haine». Il parle du courage de la mesure. Il refuse l'injonction qui est faite aux artistes : «de tous les coins de notre société politique un grand cri s'élève à notre adresse qui nous enjoint de nous justifier». Il met en garde contre les idéologies. Il se méfîe. Il a une méfîance atavique, viscérale « de leur raison imbécile ou de leur courte vérité ».

Il dit : «II n'y a pas de vîe sans dialogue.» II dit que le dialogue est remplacé aujourd'hui par la polémique, que «le XXe siècle est le siècle de la polémique et de l’insulte». Il s'interroge, il réfléchit à haute voix, et sa pensée a été accouchée dans la douleur, matière à la fois robuste et composite, le fruit d'intenses ruminations et de scrupuleuses observations : «Mais quel est le mécanisme de la polémique ? Elle consiste à considérer l'adversaire en ennemi, à le simplifier par conséquent et à refuser de le voir. Celui que j'insulte, je ne connais plus la couleur de son regard, ni s'il lui arrive de sourire et de quelle manière. Devenus aux trois quarts aveugles par la grâce de la polémique, nous ne vivons plus parmi des hommes, mais dans un monde de silhouettes.» Le cœur et l'intelligence pour trouver l’équilibre. Camus est bien seul, en ces temps d'anathèmes et d'excommunication, à parler ainsi ; il essaie de faire comprendre aux jeunes gens de la salle Pleyel que la nuance n'est pas le compromis, ni le maquignonnage. Elle est le courage suprême.
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Au téléphone Paulin Michel bafouillait des félicitations, il disait que les commandes sur Amazon étaient en train d'exploser, on était en train de réussir le casse du siècle, Jean-Michel Aphatie m’avait écouté et me voulait sur son plateau, il avait pleuré en écoutant, le cœur endurci de Jean-Michel Aphatie avait cédé sous les vers de Willow et avec lui des milliers de cœurs, les gens allaient acheter de la poésie, ils allaient acheter de la putain de poésie, ils allaient à leur tour chérir la petite flamme si fragile, si minuscule au milieu des harangues et des réclames et des discours histrioniques et des images pixelisées et des pétitions en ligne et de la technologie 5G, ils allaient protéger la petite flamme, un chanteur à succès avait tweeté en disant que ça faisait du bien d'entendre ça, c'était le cri du cœur général, ça faisait du bien d'entendre un homme qui ne répondait pas à l'hystérie par l’hystérie, un homme non violent, et je me rappelais les propos de Martin Luther King sur la force de la non-violence, et les railleries de Malcolm X qui pensait qu'il ne servait à rien de tendre l'autre joue.

— C'est de la folie, Jean. Les pré-commandes sont en train d'exploser.

Paulin Michel était effrayé, il était en état de choc, il avait au moins dix emails de lycées qui voulaient que je vienne faire une intervention, on allait bientôt frôler la rupture de stock. Il faudrait réimprimer une troisième fois, c'était trop pour son petit palpitant d'éditeur indépendant, sans doute avait-il peur que le choc soit trop fort pour les éditions Dialogues.
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Lou Basset-Dutonnerre était une cumularde de très haute volée. Editrice, chroniqueuse radio et critique dans une demi douzaine de revues, elle ne s'embarrassait pas trop de scrupules et exploitait ces multiples casquettes pour pousser les champions de l'écurie LBD.

Elle en parlait tous les samedis dans l’émission Dans les mots de Lou, qu'elle animait sur une radio publique. Elle faisait la réclame en des termes choisis : les mots fables modernes, urbaines et électriques, sans concession, plume nerveuse, économie de moyens, récit choral, hymne à la vie, pudeur, apprivoîser sa douleur, mettre des mots sur l’indicible étaient régulièrement prononcés.

Sur les conseils de Marc, je l’avais écoutée en podcast pour préparer notre rendez-vous : l'éditrice affichait une prédilection pour les livres qui témoignaient d'un traumatisme (inceste, accident de la route) et mettaient en scène des personnages de soignants. C'était assez habile, l'idée étant qu'il est toujours indécent de critiquer formellement, je veux dire d'un point de vue littéraire, le récit d'une personne qui s'est faite amputer un bras. Hors antenne, elle était plus lucide.
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Mon message de contrition, sur Twitter, avait-il calmé la meute ? Je l’avais écrit avec l'aide de Marc, j'avais écrit les mots que l'on attendait de moi. J'avais dit que j'avais manqué de discernement, que j’avais sous-estimé les blessures encore vivaces de la communauté noire. J'avais écrit les mots apaisement, sensibilités, heurter, racîsé. Cela a joué sans doute.

Je crois aussi qu'il y avait autre chose. Les experts en shaming, trollers et lanceurs de raids sont les rejetons criards du Spectacle, qui courent d'une proie à l'autre comme des poulets sans tête. Ils tombent d'un coup sur une proie et la dépècent dans une frénésie vraiment épouvantable mais il suffit d'un bruit, d'une distraction pour qu'ils se débandent vers d'autres carnages. Le flux ininterrompu de notifications digitales avait lourdement obéré leur capacité de concentration. Oui, ils étaient les produits de leur temps : écervelés, inconsistants, cruels.

Qui étaient-ils, d'ailleurs ?

Je ne les connaissais pas. Un « monde de silhouettes », disait Camus en 1948. Ainsi de mes persécuteurs : des silhouettes.
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Vidéo de Abel Quentin
En 2020, le festival Oh les beaux jours ! a répondu à la proposition du Barreau de Marseille de créer un prix littéraire récompensant un auteur dont le livre (fiction ou non-fiction) traite d'un sujet en lien avec les préoccupations professionnelles ou éthiques des avocats : sujet de société, famille, travail, environnement… Chaque année, un comité de sélection composé d'avocats du Barreau de Marseille et de l'équipe du festival fait une première sélection de six livres, romans et récits, où la fiction côtoie le réel. Le jury, composé d'avocats, se réunit ensuite pour désigner le lauréat ou la lauréate. Cette année, c'est l'écrivain Abel Quentin, lauréat du prix l'an dernier, qui présidera ce jury.
Sélection 2023 – Ceci n'est pas un fait divers, Philippe Besson, Julliard, 2023. – le Coeur ne cède pas, Grégoire Bouillier, Flammarion, 2022. – Les Contemplées, Pauline Hillier, La Manufacture de livres, 2023. – Sa préférée, Sarah Jollien-Fardel, Sabine Wespieser, 2022. – Un homme sans titre, Xavier le Clerc, Gallimard, 2022. – le Colonel ne dort pas, Émilienne Malfato, Éditions du sous-sol, 2022. Le
Le prix, doté de 3 000 €, sera décerné le 24 mai 2023 au théâtre de la Criée, en présence du ou de la lauréate.
Contact presse : Alina Gurdiel alinagurdiel@gmail.com
Le Prix littéraire du Barreau de Marseille est soutenu financièrement par la Société de Courtage des Barreaux.
http://ohlesbeauxjours.fr #OhLesBeauxJours #OLBJ2023 #prixlitteraire @barreaudemarseille527
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