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Citations sur Le guide Alan Moore (4)

V pour Vendetta
Mais c'est en utilisant la figure de Guy Fox, suite à une suggestion de Lloyd, que la bande prend définitivement son envol. En inscrivant dans l'ombre de cette figure martyrs du Catholicisme qui tenta de faire sauter la Chambre des Lords le 5 novembre 1605 ( un événement historique connu sous le nom de la Conspiration des poudres), Moore s'empare du personnage comme d' un symbole universel de la contestation, une figure de l'anarchisme libertaire. Derrière son masque, V incarne la revanche de tous les faibles, des proscrits, des anormaux, rejetés par cette société nouvelle qui ne prospère que par et dans la peur. Dans un monde soumis à l'ordre et à l'injustice, V prône le chaos, l'insoumission et vise à désorganiser un à un les piliers d'un régime structuré autour du Nez (le Nouveau Scotland Yard), de la Main (la police secrète), de la Voix (la propagande), de l'Oreille et de la Vision (la surveillance audio et vidéo), le tout sous le contrôle d'un démiurge au sommet, omnipotent, car omniscient le Destin. Celui-ci voit tout, entend tout, et contrôle tout. Victime de l'injustice de ce régime, V le rendra aveugle, muet et sourd. Ce qui ne pourrait être qu'une banale histoire de vengeance se part, dans les mains de Moore, d'une puissance réflexion politique. Le scénariste va ainsi à rebours des codes traditionnels de la BD de super-héros et des vengeurs masqués, d'ordinaire alliés objectifs d'un pouvoir forcément légitime. En cela, il peut-être vu précisément comme un double inversé du hiératique Judge Dredd qui paraissait dans l'autre revue britannique 2000 AD.
L'auteur construit autour de V tout un monde en négatif et questionne la place et le rôle du héros justicier dans un monde inique. V vient renverser les valeurs, instiller de l'irrationnel dans le rationnel, du rêve dans le matérialisme. Capable de comprendre les rouages de cette machine implacable vouée à la déshumanisation, V met tout en place pour détruire cette société. Plus que les bombes, son arme de destruction massive la plus subversive est la parole, le langage. Dépositaire de la culture du passé précieusement préservée dans son Musée des ombres, l'Arlequin au sourire sardonique et un acteur né, maîtrisant à la perfection l'usage des métaphores, des citations, rejouant sur un mode grandiloquent des passages tirés de Shakespeare ou des psaumes... Par sa logorrhée brillante, V désarçonne ses ennemis habitués à une langue neutre, fonctionnelle, vidée de son sens et d'affect, renvoyant à la novlangue du 1984 de Georges Orwell. V sème le trouble, redonne de la valeur aux mots pour se faire in fine un confesseur qui mine le pouvoir de l'intérieur. Sorte de messie laïc, V appel à une insurrection- résurrection du peuple. Contre le fatalisme de l'aliénation volontaire, il somme la population de reprendre son destin en main, de faire face et de lutter contre son inertie coupable à l'image de Evey et de Rosemary Almond, la femme d'un ponte de la police politique a assassiné par V et qui trouve une forme de rédemption en fomentant le seul acte de rébellion de sa vie. La subtilité du propos de Moore et de sortir de tout manichéisme qui réduirait V pour Vendetta à un petit traité d'anarchie politique basé sur une dialectique binaire. Dans une diatribe terrible envers une justice "catin" qu'il estime dévoyée et complice du pouvoir, l'accusateur V se montre sans pitié pour ses bourreaux, mais encore plus sévère envers une population devenue amorphe et apathique qui a préféré sacrifier sa morale au profit du confort et d'un semblant de sécurité. Trop insaisissable, trop complexe, trop pur, V et un trouble, dont l'intransigeance se révèle lors de la "conversion" d'Evey, un passage terrifiant qui marque un basculement clé dans le déroulement du récit. Moins que le pouvoir, c'est plus précisément la soumission volontaire pour un pouvoir qui est au cœur de la réflexion de V pour Vendetta, ce qui fait du livre un classique encore aujourd'hui. En dehors de ses qualités narratives intrinsèques, les parties pris esthétiques radicaux de David Lloyd ont permis de donner toute l'amplitude requise à l'univers en clair-obscur de Moore. Pensée à l'origine pour une publication en noir et blanc dans Warrior, la bande permet au dessinateur de jouer sur des contrastes marqués et expressionnistes, et d'utiliser audacieusement des décors photocopiés avec ses illustrations pour accentuer la familiarité inquiétante de la fable. Lors de la poursuite du projet aux États-Unis suite à l'arrêt de Warrior, DC demande une mise en couleur pour ne pas désarçonner le lectorat américain. Contre toute attente cette colorisation apporte une réelle plus-value grâce à l'utilisation d'une palette atones et délavée, inondant le récit d'une lumière blême, "froide comme la glace", achevant de rendre hors norme ce projet. De fait, si après le coup d'éclat final de V, plus rien ne sera comme avant pour l'Angleterre, il en est de même pour Moore qui signe là son premier chef-d'œuvre.
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Dans une Angleterre devenue totalitaire et fasciste, "V" un mystérieux homme masqué, déclenche une série d'attentats qui ebranle le pouvoir. Recherché comme terroriste, il prend sous son aile Évry, une adolescente orpheline, pour la conduire dans son musée des ombres...
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Conclusion des auteurs
Ce petit guide a tenté de " déconstruire" Alan Moore, d'aller au delà de certaines images associées au "barbu grincheux de Northampton" et de fournir quelques balises pour se repérer dans une œuvre monstre, apparemment éclaté mais in fine d'une remarquable cohérence. Petit prolo de Northampton, Moore a atteint les cimes d'un médium longtemps en mal de reconnaissance, mais dont l assise populaire et aujourd'hui fragilisée par l'explosion de nouvelles pratiques culturelles (streaming, jeux vidéo...) et l incapacité d'un marché du comics à faire confiance à ses créateurs, réduis encore - à de rares exceptions- au statut de sous-traitants. Très tôt, l'auteur a tenté de défier l'Industrie, d'ouvrir d'autres voix dès lors qu'il a pu être en position de le faire pour déverrouiller un milieu dénigrer et sclérosé.
En Angleterre puis aux États-Unis, il s'est montré intransigeant avec toute forme de censure, porteur d'une éthique personnelle et d'une attitude moral courageuses, mais souvent inapte à faire bouger les lignes. Quitte à passer pour le râleur de service et à perdre son lectorat d'origine, il a signé des projets hors norme dans la BD grand public avant de refuser les compromis et de renoncer à son confortable trône pour se réinventer dans la sphère indépendante. Quand il reviendra dans le giron du Mainstream, via notamment le label ABC, il réussira à créer des œuvres marquantes et tout aussi subversives à leur manière, avant de se tourner vers d'autres champs artistiques. Le scénariste jouit depuis longtemps de l assentiment du public
(Même si celui-ci n'est pas toujours homogène, en sorte que chacun a souvent "son" Moore), de la reconnaissance critique et académique et son parcours reste en soi unique. On sait bien qu'il est délicat de relier la vie d'un homme à son œuvre, la première étant censé expliciter miraculeusement la seconde. Dans le cas de Moore, les conditions créatives entourant la gestation de ses productions reste pourtant le plus sûr moyen de comprendre sa démarche solitaire audacieuse. De manière intuitive puis raisonnée, il a considéré chacun de ces projets comme un prototype autonome en même temps qu'un élément logique d'un grand ensemble. En mêlant le goût de l'artisanat à l'ambition artistique, il a repoussé des limites de la bande dessinée, un médium réduit souvent par méconnaissances à un genre et une fonction, le divertissement. Mais au-delà de la bande dessinée, Moore est d'abord un conteur, un démiurge à la tête d'un continent de formes, d'images et d'idées. En tant qu'anarchiste, cet univers prend des allures de combat politique pour la liberté créative, pour la défense des faibles et des minorités. En tant que magicien, son imaginaire fécond vient servir une croyance dont le pouvoir transfigurateur de l'écrivain. Son art est d'abord le véhicule de sa pensée et d'une vision cosmologique qui n'a que peu à voir avec l'imaginaire mondialisée qui prime aujourd'hui. Dans une industrie du comic-book plus que jamais phagocytée, la carrière de Moore défie le comportement routinier d'un lectorat de plus en plus vieillissant et nostalgique, pris dans des réflexes de fans conditionnés auquelsl il faut surtout ne pas déplaire et qui se satisfait de la ronde sans fin des reboots, des spin-offs, et autres suites ou adaptations. Moor a su prendre des risques, remettre en cause son approche architecturée et horlogère du récit pensé dans le moindre détail pour des projets plus confidentiels, plus clivant, mais aussi parfois plus légers. Et c'est logiquement que, depuis une dizaine d'années, il s'éloigne clairement de la bande dessinée pour s'exprimer comme à ses débuts, avec d'autres formes créatives. A l'heure où la culture geek devient dominante et le terrain stratégique de multinationales (Disney rachetant Pixar, Marvel, Lucasfilm, la Fox...), Mour s'inquiète à juste raison. Clairvoyant, il établit des ponts entre cette logique de concentration et la situation chaotique d'un monde de plus en plus populiste, où règne la simplification à outrance. Il dénonce cet imaginaire en toc condamné à la redite, ce lamente de l'infantilisation du public adulte se passionnant pour des combats de héros costumées. Comme toujours, Moore prône la subversion. il n'est pas anodin, à l'heure de la consommation frénétique des produits culturels, de le voir signer un roman de plus de 1000 pages, dense, long et ambitieux. Alors que règne le pouvoir sans partage de l'image, l'auteur se retourne vers la puissance dénudée et simple des mots. Moore veut encore croire on la capacité d'émerveillement du monde et refuse cette modernité qui efface le sens du mystère. On peut encore compter sur lui pour porter haut la flamme de l'imaginaire.
Laurent Queyssi & Nicolas Trespallé
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C'est le jour de ses quarante ans qu'un Alan Moore un peu éméché a annoncé à la stupéfaction de sa famille et de ses amis qu'il allait devenir magicien. Le lendemain de cette révélation, un dilemme se pose alors à lui : soit se renier et avoir l'air stupide, ou assumer sa déclaration et avoir l'air stupide...
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