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Critique de AMR_La_Pirate


J'ai d'abord découvert ce magnifique conte de Pascal Quignard, dans une adaptation musicale, une sorte de concert-fiction diffusé sur France-Culture
Le Chant du Marais y était devenu Les Enfants du Marais, centré sur le pouvoir envoûtant des voix des enfants de la Maîtrise de Radio-France, des sopranos féminines, du récitant (en l'occurrence l'auteur lui-même), l'ensemble mis en valeur par l'orchestre, sur une partition de Suzanne Giraud.

Ce court récit mêle contexte historique, celui des guerres de religion, et surnaturel. Sa tonalité est particulièrement cruelle comme le conte le permet, hors des limites de la bienséance et du vraisemblable. Il s'agit d'une rivalité entre deux enfants, lauréats d'un fameux concours de chant organisé tous les ans dans le quartier du Marais à Paris. L'un est catholique, l'autre protestant… le plus jaloux va tuer l'autre concurrent, lui couper la tête, cacher le corps… Peu te temps après, le crane se met à chanter…

Parmi tous les thèmes développés ici, je retiens naturellement la guerre fratricide entre français de religion différente, guerre qui déchire la France à tous les niveaux. Comment ne pas penser ici à l'allégorie de la mère déchirée par ses enfants jumeaux que l'on trouve dans Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné ? L'enfance n'est donc pas épargnée, portant en elle les haines transmises de générations en générations.
Parmi les autres sujets chers au conte, Pascal Quignard met en lumière la perte de l'innocence, à la fois par le meurtre et la mue. Ici, l'enfant meurtrier ne peut jouir de son forfait puisqu'une fois le rival éliminé, c'est la transformation de sa voix qui l'écarte du succès. Nous trouvons également l'objet magique, maudit et vengeur, catalyseur et révélateur. Autour du crane chanteur vont se déployer les éventails de la tricherie et du mensonge, une folle escalade jusqu'à l'amertume du dénouement…

C'est merveilleusement écrit, foisonnant, sombre, très sombre… le pouvoir de suggestion de la narration demeure une fois le livre refermé. Dans cette belle édition, les dessins de Gabriel Schemoul illustrent et prolongent le texte au point de s'imprimer sur la rétine des lecteurs.

Conte philosophique, beau livre… Une réussite !
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