L'orphelin des docks

Stave embrasse les abords du regard: partout, sur des centaines de mètres carrés, des monceaux de ruines accumulées. Tout au long de ces docks qui s'étendent sur deux à trois cents mètres, des murs soufflés, des façades de brique à moitié effondrées, des cheminées détruites, des amas de métal fondu sous une épouvantable chaleur, des ronces et des oxalis foisonnant entre les pavés cassés, soulevés, des môles à l'épais béton recouvert d'un manteau végétal vert de grisé. Puis c'est l'Elbe aux flots gris et rapides qui coule au-delà des derniers docks. Plus loin encore, des ruines et encore des ruines. Seule, isolée comme une gigantesque stèle funéraire, la flèche de l'église Saint-Michel émerge de la brume de chaleur.

On ne peut pas continuer à végéter ainsi, dans les ruines du passé.

Je m'en sors mieux avec les morts qu'avec les vivants, se dit Stave, c'est sans doute pour cela que je suis aux homicides.

Vous montez en grade aussi et vous pouvez épouser qui vous voulez, parce que le cœur des femmes brûle pour les héros.

Enfants perdus, sauvages, familles disparues. C'est ce que notre génération leur a fait subir. Nous en faisons des orphelins, nous réduisons leur monde à l'état de ruines, nous refusons de les accueillir, nous ns nous occupons absolument pas d'eux. Finira-t-on tout de même par punir leurs assassins?

Quand a t-il eu l'occasion d'acheter quelque chose de beau et de merveilleusement inutile ?

- Vous devriez vous habituer à la chaleur. Il fait relativement chaud en Palestine.
MacDonald le regarde de travers.
- Je vous emmènerai comme conseiller.
- Un policier allemand en Terre sainte : c'est exactement ce que les juifs souhaitent en ce moment.

Jadis Stave aurait à peine remarqué un type dans son genre, si commun, si aimable, à l'air tellement inoffensif.

Les enfants-loups – c’est le nom que se donnent les filles et les garçons venus de l’Est, les orphelins qui ont perdu leurs parents durant les combats ou au cours de leur fuite de la zone soviétique, de Prusse orientale ou de Silésie. Un père fusillé, une mère violée jusqu’à ce que mort s’ensuive, la ferme incendiée. Des convois de réfugiés sous la neige, sur des chemins glacés. Des enfants qui survivent dans les forêts et les marais comme des sauvages venus du fond des âges, qui mendient, chapardent, mangent ce qui leur tombe sous la main. Certains ne connaissent même pas leur nom, vivent dans des granges incendiées et des maisons en ruines.

Un policier allemand en Palestine, tout à fait ce qu'ils attendent!!