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Critique de colimasson


Dans le canton du Valais, Derborence fait jouer les charmes de ses sonorités printanières pour attirer l'homme éphémère et le fasciner par sa nature montagneuse. Derborence, pourtant, n'a pas oublié l'éboulement des Diablerets qui survint en 1714. Un dictionnaire géographique nous rappelle :


« Un pâtre, qui avait disparu et qu'on croyait mort, avait passé plusieurs mois enseveli dans un chalet, se nourrissant de pain et de fromage… »


On imagine Charles-Ferdinand Ramuz, captant cette anecdote et rêvant aux possibilités folkloriques, tragiques et poétiques dissimulées derrière cet accident. Son écriture n'est pas éloignée de celle de Jean Giono dans Les Grands troupeaux : les hommes vivent dans un temps mythique, contenus dans l'univers d'une montagne merveilleuse et colérique comme une déesse antique. le dépaysement est brutal pour le citadin du siècle moderne, plutôt habitué à se considérer comme le contenant d'un monde raisonnablement dissécable, réductible à des lois et à des propriétés rationnelles.


Charles-Ferdinand Ramuz a la réputation d'être l'écrivain qui a voulu établir une langue-geste du parler paysan, utilisant celui-ci comme matière poétique à la transmutation du langage. Il me semble pourtant que le ton employé dans Derborence reste classique. La poésie se faufile discrètement dans les descriptions merveilleuses ou terrifiantes des falaises, du cours d'eau, des plantes et de l'horizon, mais n'empêche jamais la simplicité et la concision d'un langage brut. Ce mélange presque insignifiant progresse sans bruit, retient à peine l'attention, et plonge parfois dans un ennui molletonneux de rêvasserie. Pas convaincue, j'ai poursuivi cette courte lecture jusqu'à son terme pour comprendre que cette modestie de forme devait servir à donner au récit toute la puissance nécessaire à sa conclusion. Ses horizons sont ceux d'un conte ou d'une légende transmise sous la cape, de génération en génération. Nostalgie d'être soumis à un univers, de ne pas pouvoir aller au-delà, de ne pas le vouloir… et ceux qui s'en échappent malgré tout sont les damnés du Diableret –un nom que Derborence tente aussi d'élucider à sa manière fantasmagorique.
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