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Citations sur Derborence (30)

Il y a maintenant huit veuves et trente-cinq orphelins au village, mais elles vivent, et eux aussi ; c’est comme ça. L’arbre qu’on fend par le milieu se cicatrise. Le cerisier qui est blessé élabore une gomme blanche dont il recouvre sa blessure.
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-Ne va pas. Parce que, toi aussi , tu seras maudite. Ne va pas où il cherche à t'entraîner. C'est plein de trous dans ce pierrier, c'est plein de pierres qui basculent; c'est tout en replis, tout en fissures... Ne va pas, Thérèse, ne va pas!
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Et, à ce moment-là, Séraphin s'étant tu également, on avait senti grandir autour de soi une chose tout à fait inhumaine et à la longue insupportable: le silence. Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d'hommes, où l'homme n'apparaît que temporairement : alors, pour peu que par hasard il soit silencieux lui-même, on a beau prêter l'oreille, on entend seulement qu'on n'entend rien. C'était comme si aucune chose n'existait plus nulle part, de nous à l'autre bout du monde, de nous jusqu'au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide ; une cessation totale de l'être, comme si le monde n'était pas créé encore, ou ne l'était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et l'angoisse se loge dans votre poitrine où il y a comme une main qui se referme autour du cœur.
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"Une voix d'homme, une voix de femme.
Et c'était elle et c'était lui; maintenant on voyait que l'homme aidait la femme dans les passages difficiles; là où la roche faisait mur, il sautait en bas le premier, il la prenait dans ses bras.
Et, au fin sommet de la paroi, la tranche du glacier ruisselait de lumière comme un rayon de miel; mais derrière ceux qui venaient et à mesure qu'ils venaient, tout le fond de la combe entrait définitivement dans la nuit et dans le silence, dans le froid et dans la mort."
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Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d'hommes, où l'homme n'apparaît que temporairement : alors, pour peu que par hasard il soit silencieux lui-même, on a beau prêter l'oreille, on entend seulement qu'on n'entend rien. C'était comme si aucune chose n'existait plus nulle part, de nous à l'autre bout du monde, de nous jusqu'au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide; une cessation totale de l'être, comme si le monde n'était pas créé encore, ou ne l'était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et l'angoisse se loge dans votre poitrine où il y a comme une main qui se referme autour du cœur.
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Ce fut tout; il s'était tu. Et, à ce moment-là, Séraphin s'étant tu également, on avait senti grandir autour de soi une chose tout à fait inhumaine et à la longue insupportable: le silence. Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d'hommes, où l'homme n'apparaît que temporairement : alors, pour peu que par hasard il soit silencieux lui-même, on a beau prêter l'oreille, on entend seulement qu'on n'entend rien. C'était comme si aucune chose n'existait plus nulle part, de nous à l'autre bout du monde, de nous jusqu'au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide; une cessation totale de l'être, comme si le monde n'était pas créé encore, ou ne l'était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et l'angoisse se loge dans votre poitrine où il y a comme une main qui se referme autour du cœur.

[...]

S'étant habitués maintenant à peu près au manque d'air, bien que toussant encore part moments, ils se tenaient là, ayant commencé une conversation à voix basse; et ça grondait sourdement sous eux pendant ce temps; et, comme ils avaient le ventre appliqué contre la montagne, ils entendaient avec le ventre les bruits de la montagne qui montaient à travers leur corps jusqu'à leur entendement.
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Là-haut (on dit "là-haut ") quand on vient du Valais, mais quand on vient d'Anzeindaz on dit "là en bas" ou "là au fond"), la neige, en se retirant, faisait de gros bourrelets ; ils découvraient sur leurs bords, dans l'humidité noire que la vieille herbe recouvrait mal d'une espèce de feutre terne, toute espèce de petites fleurs s'ouvrant à l'extrême limite d'une frange de glace plus mince que du verre à vitre. Toute espèce de petites fleurs de la montagne avec leur extraordinaire éclat, leur extraordinaire pureté, leurs extraordinaires couleurs : plus blanches que la neige, plus bleues que le ciel, ou orange vif, ou violettes : les crocus, les anémones, les primevères des pharmaciens. Elles faisaient de loin, entre les taches grises de la neige qui allaient se rétrécissant, des taches éclatantes. Comme sur un foulard de soie, un de ces foulards que les filles achètent en ville, quand elles y descendent pour la foire, à la Saint-Pierre ou à la Saint-Joseph. Puis c'est le fond même de l'étoffe qui change ; le gris et le blanc s'en allaient ; le vert éclatait de partout : c'est la sève qui repart, c'est l'herbe qui se montre à nouveau ; c'est comme si le peintre avait d'abord laissé tomber de son pinceau des gouttes de couleur verte, puis elles se rejoignaient."
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Pour monter à Derborence, on compte sept ou huit heures, quand on vient du Pays de Vaud. On va en sens inverse d’une jolie rivière dont on côtoie le bord. L’eau resserrée entre les berges est comme beaucoup de têtes et d’épaules qui se poussent en avant les unes les autres pour aller plus vite. Avec de grands cris, des rires, des voix qui s’appellent ; comme quand les enfants sortent de l’école et la porte est trop étroite pour les laisser passer tous à la fois.
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Et quelque chose, là, éclairait doucement : une frange lumineuse, vaguement transparente, avec des reflets verts et bleus et une lueur comme le phosphore : c'était la cassure là-haut de la glace, mais elle était à cette heure, elle aussi, pleine d'un grand silence et d'une grande paix. Rien ne bougeait plus nulle part sous une cendre impalpable qui était la lumière de la lune ; on la voyait flotter mollement dans les airs ou être déposée en mince couche sur les choses, partout où elle avait trouvé à s'accrocher.
-- Là-haut...
Séraphin tenait toujours le bras levé. Il a dit :
-- Oui, là où ça surplombe. Mais il semble bien que, pour ce soir, ça soit fini.
Il avait une grande voix dans le silence.
-- Oh ! a-t-il repris, c'est que ça est toujours tombé, d'aussi loin qu'on se souvienne.
Il avait rabaissé le bras :
-- Les vieux chez nous en parlaient de leur temps. Et ils étaient tout petits encore qu'ils entendaient déjà les vieux en parler... Seulement, voilà, c'est capricieux... Dommage...
On entendait de temps en temps le tintement d'une clochette au cou d'une chèvre quelque part dans les environs. Les chalets étaient de-ci de là répandus. C'est des cabanes en pierre sèche. Une des pentes de leur toit était tout enneigée de lune (...)

C.-F. RAMUZ, "Derborence", 1934 : chapitre I (pages 23-24 de l'édition de poche -- coll. "Les Cahiers Rouges", Grasset, 1936)
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C'est un homme avec une femme.
Les cinq qui étaient là avaient en face d'eux la montagne avec ses murailles et ses tours; et elle est méchante, elle est toute-puissante, mais voilà qu'une faible femme s'est levée contre elle et qu'elle l'a vaincue, parce qu'elle aimait, parce qu'elle a osé.
Elle aura trouvé les mots qu'il fallait dire, elle sera venue avec son secret; ayant la vie en elle, elle a été là où il n'y avait plus la vie; elle ramène ce qui est vivant du milieu de ce qui est mort.
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