C'était la première fois que Rebus voyait des enfants dans une morgue et ce spectacle le révolta.
Cet endroit était réservé aux professionnels, aux adultes, aux veufs. C'était le lie de la triste réalité du corps humain. L'antithèse de l'enfance.
- J'ai une théorie. On passe l'essentiel de notre temps à traquer ce qu'on appelle "les bas-fonds," mais ce sont en réalité les "hautes sphères" qu'on devrait avoir à l’œil.
Des portes s’ouvrirent ; d’autres furent enfoncées à coups d’épaule. Dévoilèrent…
Des scènes de la vie quotidienne : familles à table, prenant le petit déjeuner.
Des séjours où des gens dormaient dans des sacs de couchage ou sous des couvertures. Sept ou huit par pièce et même parfois dans le couloir.
Des enfants hurlèrent de terreur, les yeux dilatés. Des mères les prirent dans leurs bras. De jeunes hommes enfilèrent leurs vêtements,ou, effrayés, serrèrent le bord de leur sac de couchage.
Des hommes d’âge mûr protestèrent dans un mélange de langues, agitant les mains comme des mimes. Des vieillards, insensibles à cette nouvelle humiliation, à demi aveugles sans leurs lunettes, restèrent déterminés à se montrer aussi dignes que possible compte tenu de la situation.
Il y avait, à Knoxland, quatre tours de huit étages, situées aux quatre coins d’un carré et dominant une aire de jeux centrale à l’abandon. Il y avait un couloir extérieur à chaque niveau et tous les appartements avaient un balcon donnant sur l’autoroute.
- Des tas de paraboles, constata Siobhan.
Rebus acquiesça. Il s’était interrogé sur ces antennes paraboliques, sur les versions du monde qu’elles transmettaient dans les salons et les vies. Pendant la journée, des publicités consacrées aux assurances en cas d’accident ; le soir, à l’alcool. Une génération convaincue qu’il est possible de contrôler l’existence grâce à une télécommande.
-ça va, chérie ? cria-t-il.
Elle se dirigea vers lui.
-Ne m’appelez pas comme ça, repondit-elle, glaciale.
-Oooh : Ne m’appelez pas comme ça.
La tentative d’imitation fut grotesque ;seul Cruikshank rit.
-J’aime les nanas qui ont des couilles !
-Continuez comme ça et vous en aurez bientôt plus.
Cruikshank n’en crut pas ses oreilles. Après un instant d’ébahissement, il rejeta la tête en arrière et éclata de rire.