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Critique de Paulette2


La Jeune fille et le feu est un polar qui se distingue par sa langue poétique, ce qui n'est pas commun pour le genre. L'autrice, Claire Raphaël, a écrit plusieurs recueils de poésie, en plus d'être ingénieure de la police scientifique dans la vraie vie. Son roman est donc une combinatoire inédite entre une langue ciselée et une enquête forcément sordide, dans un milieu qui n'incite pas à lire Ronsard... Et ça marche : le lecteur se sent enrobé dans cette délicatesse langagière qui lui permet d'affronter la violence du récit, jamais complaisante. La misère sociale n'est pas chosifiée à des fins sensationnelles. le lecteur et le sujet sont respectés, rendant la lecture presque douce. Ça fait du bien.

L'autre volet que Claire Raphaël maîtrise très bien, c'est le quotidien et le fonctionnement de la police, qui sont rendus avec une précision quasi-documentaire. J'ai appris des choses grâce à cette enquête à ras de terrain : le quotidien harassant des policiers, leur solidarité, le rôle de la psy qui les accompagne en interne, le métier difficile de procureur, les techniques d'investigation... C'est Jasmine, la policière éprise de justice, qui est la narratrice, ce qui facilite notre empathie à son égard. Dans ce domaine aussi, l'autrice n'agite pas des marionnettes à casquette et gros flingue pour animer son arc narratif, non. Elle défend le métier de policier en le montrant en action.
Mais c'est quand son amour de la justice rencontre l'humain que les choses deviennent passionnantes. Jasmine et son chef Tom se posent beaucoup de questions au fil de leur enquête, dont celle de savoir s'ils doivent la mener jusqu'au bout, quitte à ce que la vérité enfin révélée abîme encore plus la suspecte, fille de la victime alcoolique et toxique. La question de la vérité acceptable, en quelque sorte. le roman ne cesse d'osciller entre rigueur et empathie, réflexion et émotion.
La tension n'est possible que parce que les personnages sonnent juste. Tous, qu'ils soient principaux ou secondaires, sont excellents, intéressants, drôles parfois, bien campés: l'animatrice des Alcooliques Anonymes qui occupe une demi-page, la psy de la police, Tom, Jasmine, bien entendu, point focal de l'intrigue, si attachante dans ses combats et dans ses interrogations face à son père mourant ou la jeune fille éponyme, fille de la victime, vivante, lumineuse même, qui se tient bien droit
au milieu des flammes.

La seule petite réserve que j'aurais concerne les passages trop bavards, où les personnages livrent leur conception de la vie sans que cela serve l'action. Ces tunnels militants et manichéens raccrochent le roman au polar social ; mais il n'en a pas besoin, en vérité, tant la finesse de l'enquête, la ciselure de la langue et la maîtrise du flux narratif nous suffisent pour nous lancer sur de nombreuses pistes de réflexion, sans forcer, en plus du plaisir très fort de la fiction.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2024.
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