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Critique de Dez54


Un roman épique et crépusculaire


Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée est le très long titre d'un roman paru en 1993 par Jean Raspail. A la frontière entre plusieurs genres, on aurait bien du mal à rattacher le livre à l'heroic fantasy, au roman historique ou à l'uchronie.


L'histoire se déroule dans un monde similaire au notre dans un pays d'Europe centrale ou orientale mal identifié dont l'époque semble naviguer entre le XIX ème siècle et la fin du Moyen Age. Pour de mystérieuses raisons la société a implosé, rongée par un mal qui la laisse dépeuplée, agonisante et pervertie. le chef d'État, un vieux Margrave aussi moribond que sa nation envoie dans un geste noble et désespéré sept cavaliers, derniers représentants de valeurs chevaleresques oubliées et d'une monarchie agonisante, en mission pour retrouver les traces de la vie et, peut-être comprendre les raisons de cet effondrement brutal.


Dès le début, on comprend qu'il est déjà trop tard, que la quête est sans espoir et que chacun des cavaliers, personnalités sympathiques et bien esquissées, le sait. Il ne s'agit pas d'une tentative pour sauver ce monde finissant mais bien d'un dernier baroud d'honneur épique et tragique de ces cavaliers au coeur de terres dévastées par la sauvagerie de leurs contemporains. On partagera donc le voyage et les rencontres de ces sept cavaliers en armes au milieu dans un paysage marquée par la barbarie et la déchéance.


Ici, il me faut m'arrêter sur un point, Jean Raspail est un auteur très marqué politiquement que l'on peut difficilement qualifier autrement que comme réactionnaire et proche idéologiquement des milieux royalistes et de l'extrême droite française. Et cela n'est pas sans conséquence sur ses récits et on retrouvera dans ce roman les idées de son auteur. Les thèmes même du livre (déclin, "ensauvagement" de la société, perte des repères moraux, confrontation larvée entre civilisations) et l'apologie des valeurs liées à l'ordre et à la tradition font écho à des mythes et des discours très présents au sein de la droite la plus radicale. En dehors de cet aspect, on retrouvera également un rapport complexe mais sans doute viscéral à la religion catholique et une défense de la minorité "vertueuse" et résistante face à la majorité lâche et corrompue.


Une fois cela admis, je fus tout de même saisi par le souffle épique qui s'échappe du roman, par la beauté des mots (soutenu en cela par un hommage bien ancré dans le récit à Apollinaire) et par l'ambiance crépusculaire du livre. La magie opère et on se prend d'empathie pour ces héros sans gloire et sans espoir. On découvre avec une délectation un peu coupable les scènes de ce monde déliquescent. Un léger point noir cependant concernant la fin du roman que j'ai trouvée trop explicite, dommageable et superflue.


Bref, voilà un roman intéressant, prenant et marquant que je recommanderais volontiers.
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