Voilà ce que je ne savais pas : on peut aimer quelqu'un au point de ne pas avoir assez de mots pour l'exprimer.
L'armée n'a qu'un objectif : vous laver le cerveau de tout ce qui a jamais compté pour vous afin de pouvoir y graver ses propres conneries .
Quand les hommes pleurent, ils expriment une telle vulnérabilité, une telle angoisse, qu'ils semblent presque à l'agonie.
On peut aimer quelqu'un au point de ne pas avoir assez de mots pour l'exprimer.
Je ne risquais pas de devenir folle. J’étais folle.
(Succès du livre, p.185)
- USA, 1967 -
Tous ces slogans stupides [pour s'engager dans les Marines]... « Vous pouvez servir votre pays et voir le monde. Découvrez de nouvelles cultures. » Celui que je détestais le plus figurait sur l'affiche de propagande que j'avais dénichée dans la chambre de [mon fils] Jimmy peu après son départ. « Les Marines font de vous des hommes. » Quelle ironie ! Comme si je n'avais été là que pour lui donner la vie, sachant qu'ils feraient de lui un homme. Comme si ceux qui ne rejoignaient pas leurs rangs n'étaient pas vraiment des hommes.
(p. 148-149)
Je n'avais jamais douté du retour de mon fils [du Vietnam] - sinon vivant, du moins mort. C'étaient les termes de ce marché innommable : il devait rentrer, d'une façon ou d'une autre. A aucun moment il ne m'était venu à l'esprit qu'il pouvait disparaître, tout simplement. Or j'avais besoin de son corps. J'avais besoin d'embrasser ses paupières pour les fermer, tout comme je le faisais au moment de le border quand il était petit, en lui disant que mes baisers chasseraient les mauvais rêves. (p. 125)
" Une petite ville ressemble beaucoup à un poulailler, reprit-elle. Elle n'aime ni le changement ni la différence et ne l'accepte pas facilement. Si une poule perd ses plumes ou si elle est blessée, les autres l'attaquent à coups de bec, parfois jusqu'à la mort."
Poser une question pouvait se révéler le plus rebelle des actes et aussi le plus indispensable ; laisser subsister les non-dits pouvait faire du mal, à soi comme aux autres.
Je n'avais pas l'habitude d'écrire. [...] Mais au Vietnam, le courrier, c'était le truc qu'on espérait tous. Qu'on appelait de tous nos voeux. Il n'y avait pas de cabines téléphoniques. Si on voulait recevoir une lettre, il fallait d'abord en expédier une. Je me montrais prudent lorsque j'écrivais à ma mère. Je ne voulais pas l'inquiéter ; ce que je ne pouvais pas lui dire, je le disais à [mon petit frère] Bill. Et pour la première fois de ma vie, j'ai terminé mes courriers par "Je t'aime". (p. 84)
Même quand j'écrivais à maman et à Bill, terminer par "Je t'aime" ne me paraissait pas suffisant. Voilà ce que je ne savais pas : on peut aimer quelqu'un au point de ne pas avoir assez de mots pour l'exprimer. (p. 86)