AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La Colère et l'Envie (126)

J’ai toujours distingué deux types d’amitié. Les amitiés de circonstances et les amitiés par élection. La différence, la hiérarchie que j’établis entre les deux ne se dit pas en termes d’intensité mais plutôt de prestige moral. Je m’explique. Les amitiés de circonstances (le principe est également valable pour l’amour) se nouent sous une certaine forme de contrainte : nous sommes camarades de classes, collègues, colocataires, voisins. C’est à force de se voir que nous devenons amis. Par la force des choses. Je ne nie pas qu’il faille toutefois un terrain fertile pour que ce genre d’amitié s’établisse – ainsi, nous ne sommes pas amis avec tous nos voisins. Mais la proximité quotidienne enclenche voire force un processus qui, autrement, aurait pu ne jamais advenir. Chaque jour ou presque, le quotidien partagé alimente les conversations et il n’est besoin d’aucun effort pour savoir où et quand se voir, ou quoi se dire. Ces amitiés ou amours de circonstances remplissent nos vies et je ne les méprise pas. Mais il me semble qu’un type de relation supérieure existe : celle par élection. On se croise un jour et, entre nous, les évènements naturels devaient s’arrêter là. C’est nous qui décidons de faire entrer l’autre dans notre vie. Certains qu’il s’agit là d’une chose d’importance, nous nous rappelons, nous nous donnons des rendez-vous, nous nous écrivons puisque nous voulons changer le cours du destin et nous fabriquer de toutes pièces, par la seule force de notre volonté, un quotidien où l’autre soit.
[…] Mais la règle est, me semble-t-il, que plus ou moins plus de notre volonté (plus elle est mise à l'effort) plus l'amitié a de valeur.
(p.64-66)
Commenter  J’apprécie          382
Je n'oublierai jamais ce moment, les sourcils velus et arrogants du médecin, un jeune interne en psychiatrie. Docteur Jard - fier comme un coq. Pour lui, tout était clair. Isor avait effectivement des difficultés à se concentrer, c'était tout. Il avait passé trente minutes avec elle, mais ça y est, il la connaissait mieux que nous, avait tout compris, et me démontrait l'infinie supériorité de son expertise par une chiée de mots savants appris d'hier.
(p.28)
Commenter  J’apprécie          340
Quand on est jeune, il est absolument impossible de s'imaginer ce que c'est qu'être vieux. Même avec un esprit vif et plein d'imagination, cette idée-là est hors de portée. Peut-être peut-on concevoir ce que le corps subit : l'arthrose, la faiblesse dans le corps pour marcher, dans les bras pour soulever, dans les mains pour ouvrir le moindre opercule. Mais combien l'esprit se fatigue et s'oublie, non, non, c'est inconcevable. Le courage, la patience qui manque à chaque imprévu. Les moindres perturbations vécues comme des bouleversements dont il faut parfois quinze jours pour se remettre. Cette impression qu'on a vidé tous les stocks : d'amabilité, d'enthousiasme, de volonté. Et cette étrange parcimonie de la tendresse qui s'instaure lorsque l'on se persuade que les réserves sont épuisées...
(p. 63)
Commenter  J’apprécie          300
Lucien me manque encore pire que les couleurs quand vient la nuit
Commenter  J’apprécie          260
C’est dans les larmes que l’on pressent la douleur qui doit être la sienne. Une douleur indescriptible, au-delà de tout. Pas au-delà en intensité, non. Simplement, elle prend place hors de là où gisent les douleurs ordinaires. Celle-ci se situe plus loin, plus profond, sur une autre couche, proprement indéracinable. À côté de toute vraisemblance. Vissée à son être par des vis de fer.
Commenter  J’apprécie          244
Pourtant, ton nom, je l’adore. Je te le dirai demain, quand tu viendras. C’est formidable comme il me fait voyager, ton nom. Isor, à mi-chemin entre Isidore et Igor. Isidore de Séville, c’est Carthagène, c’est l’évêque de cette Espagne wisigothe du VIe siècle qui a écrit Les Étymologies. C’est l’Andalousie des premiers siècles du christianisme, et le Guadalquivir qui serpente depuis Cordoue et qu’ont peut-être remonté les Maures. Tout à l’inverse, à l’autre bout du spectre de ton nom, il y a l’hiver russe et ses vents glacés comme des coups de poignard. Un de ces noms du Michel Strogoff que je lisais enfant, et le périple de Moscou à Irkoutsk, capitale de la Sibérie orientale, pour avertir le tsar que les hordes de barbares déferlent. La force russe, la tragédie et la rage face aux envahisseurs – tout cela dans tes yeux grands ouverts.
Mon Isor, assurément ton nom était pour toi, un nom émaillé de vaillance ancienne, patiné de sagesse disparue.
Commenter  J’apprécie          232
J'ai toujours été mal à l'aise en compagnie d'enfants. De mon temps, les enfants, soit on les ignorait, soit on les traitait en adultes avant l'âge. C'était nous, les adultes, qui tirions leur sort à pile ou face. Aujourd'hui, j'ai l'impression que les enfants ont perdu leur étymologie. Ils ne sont plus in-fans, ceux qui ne parlent pas encore : ils ont appris à importuner. Ce sont des boîtes à questions, des moulins à demandes. Toujours à attendre de vous quelque chose. Pire que des créanciers, ils vous réclament des comptes.
(p.69)
Commenter  J’apprécie          230
L’amour a sa grammaire. Et comme dans toutes les langues, sans la pratiquer, on la perd. Au fil des mois, j’ai réappris l’Absence, l’Attente, le Comblement, la Dépendance, la Fête, l’Impatience, la Jalousie, le Rêve et la Rêverie, le Ravissement, le Rendez-vous, la Solitude et le Souvenir. Tout un abécédaire que je potasse studieusement. J’aime être cet écolier des sentiments.
Dis, dis, mon Isor, reviendras-tu demain après-midi ?
Commenter  J’apprécie          220
Vous les deux,
Je respire. Je suis libre. Je marche sur les chemins noirs. Le monde est à moi. Je suis libre ! Comment il va, Lucien ? Dis-lui que tout ira bien de lui comme de nous.
J’affronterai son désastre pour lui.
Je rencontre la nuit. A Bercy, j’essaye, pour pas que tu t’effrayes, de rentrer tôt, et puis c’est des nuits de la ville, des nuits qui n’en sont pas, des nuits où s’agroupent les gens qui ont peur des nuits. Ici, pas de fuite ! Je regarde les couchers de soleil, pour ce que je veux voir la nuit qui arrive avec les siennes facéties et lenteurs. A cette heure-là, il y a quelque chose faite pour moi, à ma taille. Pour la première fois, j’ai plus d’air que j’en boirai.
J’avais des murs dans la tête. Des murs partout partout partout. Les articulations qui grippent, le sentiment entre les œillères. Ne pas oser s’élancer à la lutte, à la conquête. Mais maintenant me suis mise à table du soleil et veux rencontrer les hommes et les femmes qui ont du turquoise plein les poumons. Ai franchi les barbelés de l’asphyxie et je vis ce que je suis née. Suis grande aujourd’hui.
Reviendrai vite pour aboutir les promesses.
Bises, bises, bises, t’en fais pas ! Je vis le beau temps,
I.
Commenter  J’apprécie          190
Je veux te dire encore qu'y a deux jours nous allons sur la tombe de sa mère, une stèle sans rien, sur le nord à Taormine. On y voyait la baie qui scintille pareil que les bijoux. On dépose au sol, dessus, des pommes de pin et des coquillages pour faire les mandalas, des cercles et des couronnes. Calme, calme, calme… Un instant plein comme une bille qui roule.
(p.146)
Commenter  J’apprécie          170






    Lecteurs (1703) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Famille je vous [h]aime

    Complétez le titre du roman de Roy Lewis : Pourquoi j'ai mangé mon _ _ _

    chien
    père
    papy
    bébé

    10 questions
    1430 lecteurs ont répondu
    Thèmes : enfants , familles , familleCréer un quiz sur ce livre

    {* *}