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Critique de florigny


Dans Un amour importun, son premier roman datant de 1964, Ruth Rendell ignore encore son succès à venir et pose les premiers jalons de ce qui deviendra au fil du temps, une oeuvre considérable. Une femme est assassinée, situation banale dans un polar. Ce qui l'est moins, c'est qu'il s'agit d'une femme falote, intelligence moyenne, physique disgracieux et anémique, dont la routine se borne aux courses, à la vaisselle et à la préparation des repas pour son époux aussi falot qu'elle. En maîtresse de maison parfaite, son intérieur est fanatiquement, pathétiquement propre. Aux yeux de la société et de son mari peu perspicace, elle est une petite femme d'intérieur raisonnable et avisée, portant sandales et robe de coton, participant aux réunions de l' église. Oui mais...


Entrée en scène pour la première fois des duettistes Mark Burden et Reginald Wexford, policiers au commissariat de Kingsmarkham, bourgade bucolique fictive. Un amour importun s'inscrit dans la veine purement policière de l'auteure. Si l'intrigue est encore simple et le portrait des deux enquêteurs brossé à grands traits, toutes les qualités qui feront ultérieurement le succès de Ruth Rendell sont déjà présentes : intelligence et réalisme contrairement aux « miraculeux romans à énigme », petite pique adressée à Agatha Christie dont elle n'appréciait guère les personnages stéréotypés et l'absence de curiosité sur son époque ; admiration jamais démentie pour la littérature et la poésie ; les épigraphes de chaque chapitre choisis dans la poésie victorienne sont à ce titre particulièrement beaux et les livres ont un rôle important dans le récit. Ruth Rendell dote également Reginald Wexford, en plus de son air faussement nonchalant, de qualités avant-gardistes pour les années 60, car outre son humour, son honnêteté, sa rectitude et son dégoût de l'hypocrisie, il se reprend immédiatement si une tendance à cataloguer les gens l'envahit, et il s'interdit tout jugement, notamment sur l'orientation sexuelle de ses compatriotes.


Chez Ruth Rendell, nul besoin de faire couler l'hémoglobine à grands flots bouillonnants et d'accumuler les cadavres et les tortures pour mettre le lecteur sous pression. Les évènements notables de la journée de Wexford sont des remarques en apparence anodines, des réponses évasives, un rire interrompu trop brutalement qui en disent plus long que la plus sanguinolente des tueries. Et lorsqu'une question liée à l'enquête ne trouve pas de réponse immédiate ou rationnelle, dire « Dieu seul le sait » suffit pour retenir le souffle du lecteur.


J'ai beaucoup apprécié l'audace de l'auteure tissant sur un canevas victorien une histoire d'une modernité toujours d'actualité qui s'achève sur une chute lui donnant toute sa force subversive.
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