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Critique de Iraultza


Valérie Rey-Robert anime depuis plusieurs années le blog Crêpe Georgette où elle analyse et combat les violences sexuelles ainsi que la domination masculine. Elle poursuit son travail dans un essai, Une culture du viol à la française: du « troussage de domestique » à « la liberté d'importuner », où elle mobilise les sciences humaines et sociales, ainsi que des analyses juridiques, pour décrypter la culture du viol.

Elle commence par revenir sur l'histoire et la définition de ce concept né dans les années 1970 dans la sphère militante et universitaire américaine, qui se popularisera au milieu des années 2010 dans les sociétés occidentales. Ainsi, la culture du viol est définie comme étant «la manière dont une société se représente le viol, les victimes de viol et les violeurs à une époque donnée. Elle se définit par un ensemble de croyances, de mythes, d'idées reçues autour de ces trois items » (p.37). L'autrice recense également tous les phénomènes qui maintiennent cette culture du viol, que ce soit l'éducation genrée, le sexisme, la misogynie, la violence sociétale ou encore la problématique du consentement sexuel dans une société régie par le patriarcat.

Elle expose ensuite la réalité des violences sexuelles en France, en reprenant les grandes enquêtes qui ont été réalisées depuis quinze années, et rappelle que toutes les générations et tous les milieux sociaux sont touchés par le phénomène, soit à peu près 580.000 femmes chaque année. Après avoir fait un rappel historique sur les évolutions juridiques concernant le viol du Moyen-Âge jusqu'à nos jours et abordé la problématique de la correctionnalisation du viol, Valérie Rey-Robert démontre que les préjugés sur les violences sexuelles dans les systèmes judiciaire et policier actuels ont un impact négatif pour la reconnaissance des victimes.

L'autrice poursuit dans une troisième partie sa réflexion sur les préjugés sur les violences sexuelles, et explique, avec des exemples médiatiques récents, qu'un imaginaire s'est développé autour des agresseurs sexuels: ils seraient principalement des rôdeurs agissant dans les espaces publics, des étrangers (affaire du Nouvel An de Cologne, Tariq Ramadan) ou des hommes de pouvoir (Dominique Strauss-Khan, Harvey Weinstein). Cela a pour effet de rendre l'agresseur, comme un autre hypothétique, une menace distante, alors que les violences sexuelles ont lieu avant tout dans la sphère privée, et les agresseurs sexuels sont majoritairement connus de leurs victimes.
Un deuxième phénomène qui entretient les préjugés sur le viol, c'est de rendre les victimes responsables, totalement ou partiellement, des violences qu'elles ont subies. « Mariées, travailleuses du sexe, belles, laides, jeunes, vieilles, vierges, actives sexuellement, le moindre élément de leur vie devient un élément à charge » analyse V. Rey-Robert (p.198).
De la même manière, les réactions possibles des victimes pendant ou après une agression (sidération, troubles dissociatifs, mémoire traumatique, etc) étant mal connues par notre société et soumises à des mauvaises interprétations, vont souvent servir à remettre en cause leur parole.

Si la culture du viol est un phénomène qui apparaît dans toutes les cultures, l'autrice se demande ensuite s'il existe une spécificité pour la France ? Pour elle, le constat est sans appel : « lorsque dans beaucoup de pays, il est possible de simplement remettre en cause les violences sexuelles, en France, cela implique de convoquer cinq cent ans de littérature, 400 auteurs classiques et mille ans de civilisation » (p.223). A titre d'exemple, les nombreuses réactions de personnalités médiatiques comme Catherine Deneuve après les mouvements #metoo et #balancetonporc, montrent la volonté d'opposer une « liberté d'importuner », une « séduction à la française » face à libération de la parole des femmes victimes de violences sexuelles.

V. Rey Robert termine son essai en donnant des pistes pour lutter contre la culture du viol, qui concernent principalement l'éducation. Selon elle, il faut s'attaquer aux stéréotypes de genre, et ce dès le plus jeune âge, en réinstaurant par exemple les ABCD de l'égalité, programme d'enseignement sur la théorie du genre abandonné en 2014 suite à des attaques de l'extrême droite. Il faut également s'atteler à déconstruire la domination masculine, en arrêtant de valoriser la virilité, d'éduquer les hommes à la frustration sexuelle, et à l'apprentissage et la reconnaissance de la sexualité féminine.

Alors que la libération de la parole des femmes est attaquée aujourd'hui après la parenthèse #metoo et #balancetonporc, l'essai de V. Rey Robert résonne comme une exhortation à continuer le combat contre la domination masculine et la culture du viol, qui empreignent plus que jamais nos rapport sociaux.
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