Alexandra Renaud, qui est porteuse du syndrome d'Asperger, en témoigne dans ce livre passionnant. Elle parle de la difficulté à se faire diagnostiquer, notamment à l'âge adulte. Elle a dû attendre non pas plusieurs mois mais plusieurs années avant de pouvoir obtenir un rendez-vous dans le CRA (Centre de Ressources Autisme) dont elle dépend (car c'est régionalisé). ● Elle témoigne surtout de tout ce qui fait le quotidien d'un Asperger : le sentiment de décalage (sans en comprendre la raison), et donc de mal-être ; le manque total d'habileté sociale ; l'immense fatigue après des interactions sociales, même amicales ; le besoin de solitude ; les « intérêts particuliers » (thèmes de prédilection des Asperger, qui peuvent en parler des heures, mais qui lassent un auditoire rétif à des sujets aussi spécialisés) ; le besoin de logique et de rationalité ; la peur de l'imprévu et la haine des surprises, d'où une tendance à tout planifier dans les moindres détails, y compris ce qu'on va dire ; le goût pour les routines, les rituels et le caractère casanier ; une hypersensibilité qui amplifie considérablement le nombre d'informations qu'ils ont à gérer à chaque instant ; une grande maladresse dans les gestes et notamment la motricité fine. ● Les Asperger peuvent passer inaperçus car ils camouflent tout cela, qui n'est guère valorisant en société, surtout quand on est jeune. Ils apprennent ce qui pour les autres est naturel, comme d'échanger des propos banals autour d'une machine à café. La perspective d'un dîner entre amis ou, pire encore, d'une fête telle qu'un mariage, qui réjouit les autres, leur cause beaucoup d'angoisse. ● « [Ces personnes] perçoivent trop, ressentent trop, se rappellent trop. Cela augmente leur niveau d'anxiété, leurs comportements répétitifs et leur émotivité, au point que les contacts avec l'extérieur deviennent aversifs et les poussent en définitive à se protéger de ce tourbillon sensitif en se mettant le plus possible en retrait de la vie courante. » ● Non diagnostiqués, et donc ne comprenant pas pourquoi ils sont ainsi, ils peuvent facilement sombrer dans l'autodépréciation, la culpabilité et la dépression. ● « Je m'en voulais ainsi parfois de toutes mes forces d'être incapable de faire simple, ou d'être trop marginale, pas assez démonstrative, trop compliquée, pas assez mondaine, trop gaffeuse, pas assez amène, trop sensible, pas assez diplomate, trop obsessionnelle, pas assez souple, trop extrême dans mes prises de position, pas assez méfiante, trop bavarde, pas assez chaleureuse, trop fuyante, pas assez dynamique, trop brutale. Tous ces trop ceci ou pas assez cela me défendaient d'être à la bonne place au bon moment. » ●
Alexandra Reynaud a su trouver les mots pour parler de cette forme très particulière d'autisme, ce qui est à la fois important pour les porteurs du syndrome qui peuvent recevoir une explication à leur façon d'être incompréhensible, et aussi pour les autres, afin qu'ils puissent comprendre à qui ils ont affaire et ne pas les juger trop rapidement.