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Critique de kielosa


Celles et ceux qui ont vu la comédie de Louis Malle "Viva Maria!", se souviennent peut-être du personnage de Diego, déambuler entre Jeanne Moreau et Brigitte Bardot. Ou de Gricha, dans "Vie privée", du même Louis Malle avec la même Bardot. Ce Diego et Gricha, bizarrement n'est personne d'autre que l'écrivain autrichien Gregor von Rezzori ! Cette fantaisie au Mexique est loin de son best-seller "Mémoires d'un antisémite" de 1990. Un antisémite par éducation, qui tombe amoureux de la séduisante juive Minka, qui l'introduit dans le milieu culturel juif de Vienne, fin des années 1930.

Gregor von Rezzori est un homme qui avait de multiples talents et dont le parcours vaut la peine de s'y arrêter un instant. Né en 1914, dans la capitale de la Bukovine, ensemble avec la Galicie, les provinces les plus orientales de l'Empire austro-hongrois. À Czernowitz, actuellement en Ukraine, où naquirent d'autres célébrités, tel l'écrivain israélien, Aharon Appelfeld, l'économiste Joseph Schumpeter, le poète Paul Celan et la belle actrice Milena "Mila" Kunis. Gregor était le descendant d'une famille noble, les d'Arezzo de Ragusa en Sicile. En 1919, la Bukovine devint roumaine et il y fit ses études, avant d'aller étudier l'architecture et la médecine à Vienne, sans grande conviction. En 1938, il se trouva à Berlin, où il partagea son temps entre journalisme, romans, pièces radiophoniques et cinéma. Après la guerre, il continua sur sa lancée à Rome et Paris, avant de s'installer définitivement en Toscane, où il mourut en 1998. Notre Gregor était aussi un critique d'art et collectioneur avisé avec son épouse Beatrice Monti della Corte. Un vrai cosmopolite, qui parlait couramment 8 langues (Allemand, Roumain, Italien, Français, Anglais, Polonais, Ukrainien et Yiddish).
En tout, il a publié 28 oeuvres.

La description que l'auteur fait de Tchernopol, en fait Czernowitz, dans une langue très précise et hautement littéraire au premier chapitre, n'a rien d'une pub du bureau de tourisme. Il y parle des nombreux pauvres et mendiants aux physiques ingrats, dignes d'un tableau de Jérôme Bosch. Il est vrai que cette ville fut un véritable creuset ("melting pot"). Au moment de la naissance de l'auteur, la ville comptait un nombre incroyable d'ethnies, où la population juive dominait, suivie des Ukrainiens et Roumains. Ce mélange lui a permis de caractériser avec ironie des personnages hauts en couleurs, comme le gros préfet Tarangolian ; la gouvernante anglaise, miss Rappaport de Gibraltar, surnommée la Juive ; Nastase, le philosophe de l'absurde ; le hussard Nikolaus Tildy de Szolanta et Vorosháza et sa riche mais étrange épouse ; le colonel Turturiuk d'une stupidité légendaire mais au bon coeur, le professeur Feuer (=feu), descendant teutonique, surnommé à cause de ses épaules tombantes par les mômes "Bouteille de Champagne, etc...

Un bonus est assurément que tout est vu dans la perspective des enfants : le petit Gregor, sa soeur Tanja et leurs potes. Ce procédé permet à l'auteur de distiller quelques réalités à partir de préjugés. Ainsi, la France est synonyme de culture et ceux qui ne comprennent pas le Français, à leurs yeux, des provinciaux incultes. Pour eux, les soldats allemands sont très courageux, mais ils ont des généraux décevants, comme par exemple Hindendorff ou Ludenburg - des contractions de Hindenburg et Ludendorff.

À vous de découvrir, chers lecteurs, l'interaction entre tous ces personnages fantastiques, où il est même question d'un duel.

Plusieurs critiques littéraires professionnels comparent Gregor von Rezzori à Joseph Roth. D'abord je pensais que cette comparaison était basée sur leur origine géographique commune : tous les 2 Autrichiens originaires du fin fond (oriental) de la double monarchie danubienne. J'ai donc fait spécialement attention en lisant cet ouvrage et effectivement il y a incontestablement des ressemblances, surtout dans le style. Il est vrai également que Roth avait 20 ans lorsque von Rezzori est né et que ce dernier a dû certainement lire des ouvrages du premier et peut-être même ses nombreux articles de presse. J'ignore s'ils se sont rencontrés, mais je veux bien admettre que Gregor von Rezzori a été influencé par l'oeuvre de Joseph Roth.

En guise de conclusion une citation de Gregor von Rezzori qui fait réfléchir : "Reconnaître ce qui est absurde et l'accepter, n'assombrit pas l'oeil pour le côté tragique de l'existence, bien au contraire, à la fin il peut aider à acquérir une vue plus tolérante du monde".
Exact ou faux ?
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