AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Entre les deux il n'y a rien (34)

Tout est plié fin 1977 en Allemagne avec la mort des prisonniers de Stammheim, celle du patron ex-SS Hans-Martin Schleyer retrouvé dans le coffre d’une voiture à Colmar, France, le détournement sanglant de Mogadiscio. Cela ne signifie pas que les esprits se sont arrêtés de penser, les corps d’agir, les rêves de s’enrager, mais c’est plié. L’horrible recul que l’histoire nous oblige à prendre dicte ces mots : c’est plié, c’est-à-dire perdu.
Tout est plié fin 1978 en Italie à la suite de l’assassinat d’Aldo Moro par les Brigades rouges, retrouvé dans le coffre d’une voiture via Caetani à Rome. Cela ne signifie pas que les esprits se sont arrêtés de penser, les corps d’agir, les rêves de s’enrager, mais c’est plié. Bien sûr il y aura encore des morts, l’Italie a joué une partition étouffée, elle a donné des bis, elle se perd en reprises, aujourd’hui encore elle prend facilement la mouche à ce sujet. Mais c’est perdu, plié, à ce moment précis.
Le 13 janvier 1979, l’Autonomie française se manifeste en procédant dans le quartier de la gare Saint-Lazare à Paris à une série revendiquée de destructions symboliques de vitrines de magasins et de cinémas, accompagnée de quelques gestes de réappropriation de biens matériels appelés « pillages » par les médias, et le 23 mars suivant elle passe à l’action à plus grande échelle en fichant une pagaille monstre à l’issue d’une énorme manifestation de sidérurgistes venus de Lorraine à Paris protester contre la casse de cette industrie qui avait fait les beaux jours du Nord et de l’Est, casse que le gouvernement socialiste de François Mitterand achèvera quelques années plus tard, pressé par la transformation des outils de production. Le 1er mai, Action directe apparaît sur les écrans en mitraillant le siège du CNPF, et le 20 septembre Pierre Goldman sera abattu comme un chien dans la rue par un commando baptisé Honneur de la police. Pierre Goldman qui venait d’encore avant et d’encore ailleurs et qui a quand même fini là. Pourtant c’était plié, et bien plié, mais l’horrible recul de l’histoire n’était pas le seul à le dire.
Commenter  J’apprécie          40
Nous avons pris le train en marche, moi comme les autres. En 1972 en ce qui me concerne, pour autant que je puisse en juger maintenant, entre l'assassinat de Pierre Overney et un voyage en Pologne que je fis avec mes parents, qui s'acheva sur les événements des Jeux olympiques de Munich. Et j'en suis probablement descendu au début des années quatre-vingt-dix, à l'orée des massacres yougoslaves. On ne peut pas toujours suivre le temps du monde. J'inscris ici ces éléments d'une chronologie personnelle, je les borne avec les dates de la chronologie historique dont nous convenons tous peu ou prou qu'elle reflète un certain déroulement des faits, un ordre du monde autour duquel nous tenons d'organiser un peu de pensée. Mais ces chronologies, bien sûr, sont des fictions.
Commenter  J’apprécie          40
« D'instinct Martin et moi sentons que les portes qui s'ouvrent chez nous augurent d'autant d'impasses : soyons francs l'écologie on s'en fout, l'atomisation communautaire on la craint, et la jean-foutrerie des nouvelles philosophies on s'en gausse, sachant que ça n'avance à rien. » (p. 90-91)
Commenter  J’apprécie          40
J’avais sept ans, je ne pensais rien. Un an plus tard, Mai 68 en France, la chienlit que la droite a prise sur la gueule sans l’avoir vue venir, et qui, dans le fond, ne s’en est toujours pas remise, à preuve la rage vipérine suintant des propos de la clique réactionnaire, quarante ans plus tard, qui n’en finit pas de pointer du doigt les évidences sociales, politiques, culturelles, sexuelles, comportementales, éducatives mises au jour par cette vague qui balaya le monde occidental, pour en dénoncer la permissivité, le laxisme, le relâchement qu’elles ont induit dans le mouvement des peuples, en déplorer les conséquences délétères et appeler à leur renversement, ce qui témoigne à la fois de la très grande peur qui fut la sienne à ce moment-là, du vertige extrême qui l’a saisie à quarante ans d’ici à la seule idée de perdre une once de son pouvoir sur l’argent, les corps, la régulation des villes comme celle des champs, dont elle titube encore à se ressouvenir, et de son incapacité pathologique, aujourd’hui, à admettre qu’elle n’a pas la mainmise sur les fruits de cette pensée-là, les affects de ces heures-là, alors qu’elle l’a sur tout le reste, qu’elle a gagné sur toute la ligne, et qu’il n’y a plus personne pour lui contester ça.
Commenter  J’apprécie          40
Je les inscris ici puisqu'en dehors des livres on ne bâtit jamais de monuments aux morts pour les morts de la paix.
Commenter  J’apprécie          30
Conscience sexuelle et conscience politique c'est tout un, être pédé ça vous déclasse en un rien de temps.
Commenter  J’apprécie          30
Je sens qu'à l'intersection de la sexualité et de la politique des choses fondamentales se nouent qu'il faut défaire en clamant haut et fort qu'on les défait.
Commenter  J’apprécie          30
Nous ne pressentons rien du massacre qui vient, nous aurons eu cinq ans, pas un de plus, pour explorer nos corps et leur faire dévaler les pentes mises à nu par nos aînés aimés, avant de nous résoudre à devoir les défendre, ou à les laisser glisser dans la mort...cinq ans, nous avons eu cinq ans.
Commenter  J’apprécie          30
[...] je veux bien que le monde entre, m'ouvre, me grandisse, s'il doit me dévaster il me dévastera ; nous avons touché là de bien grandes merveilles. Et de fait il nous a dévastés, il a même privé Martin de ses beautés, le monde n'est pas tendre pour les chiens qu'il élève, on se demande pourquoi il nous garde quand même plutôt que nous noyer dès qu'on ouvre les yeux. Cinq ans, il nous a concédé cinq ans, et ensuite quelques miettes, puis il a changé d'axe et nous, donc, d'horizon, troquant la mort d'Etat contre la mort antique, la mort d'avant l'Etat, la mort d'épidémie, la mort qui trie les chiens.
Commenter  J’apprécie          30
Aucun de ceux qui tombèrent au fil de ces années-là, dont les corps jonchèrent brièvement les rues d'Allemagne, d'Italie et de France avant d'être emportés, autopsiés, rendus, enterrés ou brûlés, n'eurent le temps d'être inconsolés de quoi que ce soit, du moins je le leur souhaite. Ils n'ont pas eu l'occasion de voir l'axe du monde se déplacer légèrement sur la droite, de s'apercevoir que la vue initiale n'était plus tout à fait celle qui s'offrait à eux à l'heure d'agir, de sentir cette faille s'ouvrir sous leurs pas, qui en engloutit tant. Tout est allé& trop vite. Ils ont pourtant côtoyé des abîmes, mais c'était ceux, connus, qu'offrait le monde donné. Pas de tricherie dans l'air, de la violence pure, visible de partout : celle, dite légitime, de l'Etat, celle, dite terroriste, de ceux qui questionnèrent la légitimité même de ces régimes nés de la guerre et tout grouillants encore de nazis, de fascistes, de collabos, tous unis dans la conjugaison des efforts économiques et des menées anticommunistes. Et entre les deux rien. Dix ans durant, nous ne vous avons pas laissé de paix. Nous le payons encore, la rage est toujours vive.
Commenter  J’apprécie          30






    Lecteurs (108) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Littérature LGBT Young Adult

    Comment s'appelle le premier roman de Benjamin Alire Saenz !?

    Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers
    L'insaisissable logique de ma vie
    Autoboyographie
    Sous le même ciel

    10 questions
    42 lecteurs ont répondu
    Thèmes : jeune adulte , lgbt , lgbtq+Créer un quiz sur ce livre

    {* *}