Désaccordée

- [...] Bref, et ton peuple, les ... Diaporamas, ils sont tous aussi mignons que toi?
Dièse s'est approché en plusieurs enjambées furieuses.
Il était si grand que j'ai dû lever le menton pour soutenir son regard. Son souffle s'est emmêlé dans mes cheveux.
- Nous ne sommes pas mignons, il a rétorqué en contractant les mâchoires. Nous sommes des guerriers. Et tu as de la chance d'être tombée sur moi plutôt qu'un autre.
- Oooooo-K... j'ai répondu en m'éloignant d'un pas.
Son odeur a eu le temps de me frapper ; un mélange de feu de bois, de noisette et de vieux livre.
- Ça va, je disais ça pour plaisanter. De toute façon, après ce qui m'est arrivé ce soir, je n'ai plus tellement envie de flirter avec quiconque...

- Quoi?
- C’est tes cheveux.
« Tes cheveux », dans sa bouche à lui… ça m’a émue d’une façon inexplicable.
- Qu’est-ce qu’ils ont, mes cheveux ?
- Je sais pas. Ils sentent bon. Je crois que je pourrais m’enrouler dedans pour la nuit.

- Les «Trois Ordres», hein ? Sans vouloir te vexer, ça fait un peu Seigneur des Anneaux. Vous avez des elfes, par ici ? Parce qu'un rencard avec Legolas, je ne dis pas non !
- Qui est ce Legolas ? Un Vivace ?
- Oh oui, il est vivace ! En particulier avec son arc.

- Qu'est-ce que...
- Chut ! Ils arrivent.
Il m'a empoignée par le coude et entraînée derrière l'arbre où sa moto attendait.
- Qui ça ? Qui arrive ?
- Les gardes de la reine.
- Oh, je vois. Ce sont les méchants ?

Complexe, ce songe.
À mon réveil, il faudrait que je lève le pied sur la lecture de romans fantastiques. Et sur le vin de la famille Grillon. Oui, moins d'imaginaire, plus d'histoire-géo.

- Attention où tu marches.
Arpège m'a désigné le sol : recouvert de plantes.
Des clochettes de muguet s'éparpillaient çà et là, entre des boutons d'or aux pétales arrondis et des colchiques d'un mauve lumineux. Et aussi... une autre espèce que je n'ai pas su identifier. Les fleurs avaient la taille et la couleur des flocons de neige. Étoilées, chétives, elles pétillaient par milliers au bout de tiges qui s'ouvraient en parapluie.
Je me suis inclinée pour les effleurer ; elles ont alors... esquissé un mouvement de recul?
- Qu'est-ce que...?
Arpège m'a rejointe d'un démarche souple.
- On les appelle des Facéties. Elles sont fragiles. Et chatouilleuses. Je crois que tu leur as fait peur. Il ne faut pas les brusquer, sinon elles vont se désaccorder.
- Se désaccorder?
- Assieds-toi, laisse-les s'habituer à ta présence.

Chacun de ses gestes hurlait «je suis libre et confiante et sensuelle».
Une bombe.
Moi, j'avais une chevelure trop longue qui ressemblait à un animal sauvage, Insolence* de Guerlain, et une gaucherie encombrante qui me tenait lieu de «sens de l'humour».



*mot en italique dans le texte

— C’est tes cheveux.
« Tes cheveux », dans sa bouche à lui… ça m’a émue d’une façon inexplicable.
— Qu’est-ce qu’ils ont, mes cheveux ?
— Je sais pas. Ils sentent bon. Je crois que je pourrais m’enrouler dedans pour la nuit.

– Et alors ? Ce n’est pas grave, embrasser. C’est comme courir, respirer ou chanter…
– N’importe quoi. Moi, je refuse d’être pas grave. Je ne veux pas être l’un de tes caprices, ok ?
– Ce n’est pas un caprice de respirer ou d’embrasser. Ça permet de rester en vie.

Ça leur fait ça, aux autres ?
Ce fourmillement en forme de brasier ?
Est-ce que ça leur fait mal qu’Arpège existe ?