Pendant des semaines j'ai mangé des pots de glace vanille-fraise avec un pingouin sur le couvercle. Cette saveur-là, c'est la sécurité. la convalescence.
La Bretagne est une terre de magie. Il y a toujours eu, ici, une frontière mince entre les mondes mystérieux et le nôtre.
La véritable raison, c'est toi. Tu ressembles à ces chansons qui sont tellement belles qu'elles font mal, tu comprends ? Celles qui donnent envie de fumer une clope en fixant le vide. Celles qui font pleurer quand on n'est même pas triste.
Lunaire. J'en ai entendu tellement à mon égard. Taciturne. Paumée. Pas nette. Ma sœur me reproche de vivre "dans mon monde". Suis-je censée habiter à un autre endroit ? En cours de psychopathologie, j'ai trouvé l'adjectif parfait pour me décrire. Hypersensible. C'est l'intérêt principal de ce cursus : des autodiagnostics gratuits à volonté. J'estime que celui-ci me correspond. J'entends tout, je vois tout, continuellement. Sous la peau.
Je grelotte, laisse ma nuque se briser sur son axe. Haut, un avion crevasse le ciel. Ça taillade une incision blanche. Des semaines que je n’avais pas ressenti ça. Le désir d’être dans cette saloperie d’avion plutôt que là où je suis. Les passagers, où ils vont ? Qui sont-ils ? Est-ce que l’avion va se crasher ? Pouf, gommé du bleu et de l’univers.
La forêt m’emboutit. Ses odeurs d’automne, de champignons, de feuilles en décomposition. Le vent froid et liquide qui alimente la conversation des branches. Un clapotis de ruisseau, quelque part. Cette abondance d’écorces brunes, marron, beiges. Elles frémissent de sève, de résine.
Il est là, en suspens, avec ses lèvres orangées à peine gonflées. Son t-shirt à plis. C’est simple la silhouette d’un garçon. En forme de V, plat et rassurant, ponctué du jean en bas qui tient le reste comme les tiges d’un bouquet.