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Critique de leboncoinlecture


Magnifique découverte faite au détour d'un rayon de librairie !
Amoureux et amoureuses de la langue populaire, si vous avez en plus un penchant pour celles et ceux qui la parlaient et pour l'histoire sociale des fin XIXème-début XXème, venez découvrir cette oeuvre de Jehan Rictus, chantre anarchiste gouailleur des masses laborieuses.
Cette édition comporte deux recueils : les Soliloques du pauvre et le Coeur populaire.

Les Soliloques du pauvre : comme le titre l'indique, un miséreux SDF raconte son quotidien, ses impressions, ses réflexions, ses frustrations, ses manques, au fil du temps, répartis en "l'Hiver", "Impressions de promenades", "Songe-mensonge Espoir Déception", "Le Revenant", "Le Printemps", "Crève-coeur", "Les Masons", le tout en octosyllabes, dans la langue et l'esprit des faubourgs (à grands renforts de syncopes et d'élisions), amenant images et sons qui font sourire, voire rire, parfois jaune, qui émeuvent aussi profondément par la simplicité des vues et des voeux, la violence des destins, les injustices criantes. On a l'impression de lire les complaintes de personnages sortis de Victor Hugo ou de Zola, à la différence que Jehan Rictus, qui les mentionne et les dénonce, a bien vécu cette misère-là.
Voici deux strophes qui résument bien les trois grands besoins exprimés tout au long de ces soliloques (un toît, de la nourriture et de l'amour) :
"Mais l'pus grand nombr'...l'est comm' mézigue,
Y rêv' d'un coin qui s'rait quéqu' part,
N'importe, y n' sait, où pour sa part
Y verrait flancher sa fatigue :

Un endroit ousque, sans charger,
ça r'ssemblerait à d'la vrai' Vie,
A d'L Amour et à du manger,
Mais pas comm' dans les théories." (Espoir V p53)

Le deuxième recueil, le Coeur populaire, fait parler d'autres habitants miséreux (hommes, femmes, enfants, voleur, tueur, mère d'un condamné, prostituée etc.) racontant leurs déboires, les taudis, le travail qui abrutit et paie peu, les relations de couple, la condition des enfants. L'auteur utilise des schémas variés pour ce faire, des formats musicaux, des mises en scène, qui peuvent être teintés d'une certaine gaîté mais qui ramènent globalement toujours à un constat amer voire une réalité effroyable.

Si l'on n'est pas gêné par le vocabulaire argotique (glossaire précieux en fin de volume) et les multiples élisions pour faire sonner l'octosyllabe, l'oeuvre peut se lire très vite car les idées sont fluides et les images percutantes. La lecture à voix haute fait entendre ce peuple d'une France pas si lointaine (j'entends mes parents et mes grands-parents).
J'en ressors émue et garde une sorte de mélancolie.
C'est une oeuvre que je relirai, encore et encore, et que je ne me lasserai pas de conseiller.
Si je m'écoutais, je recopierais au moins la moitié du recueil pour partager avec vous mes coups de coeur, mais il me paraît plus sage que vous les découvriez par vous-mêmes ! (un petit aperçu quand même dans les citations !)

En lien ci-dessous, la page youtube où vous trouverez la mise en voix et en musique (que je trouve très juste et puissante) de certains de ces textes par le rappeur Vîrus, avec la participation de Jean-Claude Dreyfus.
Disponible également en version Livre-Cd aux éditions du Diable Vauvert de très belle facture : "Les Soliloques du Pauvre" Vîrus x Jehan-Rictus
Lien : https://www.youtube.com/play..
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