Merlin dit :
" J'ai cent ans. Un siècle est une éternité à vivre et, après qu'on l'a vécu, une pensée fugitive où tout, les commencements, la conscience, l'invention et l'échec, se ramasse en une expérience sans durée."
Il neigeait. La forteresse blanchissait peu à peu, ainsi que la cité en contrebas. A l'intérieur de l'enceinte, des hommes en armes allaient et venaient, s'occupaient des chevaux, formaient des groupes frileusement rassemblés autour des feux. Depuis une chambre de la tour surplombant la porte principale, Merlin regardait une file de cavaliers, longue et noire, avancer avec lenteur sur le fond immaculé d'une campagne où reliefs et couleurs s'effaçaient sous l'action paisible et obstinée de l'hiver.