C’est ainsi, à force de progrès, que je parvins jusqu’à la Seine. Le charretier ne m’avait pas menti.
Cette rivière empestait plus que la rue. La couleur de son eau virait au vert-de-gris, alors qu’au fil du
courant flottaient d’étranges objets dont l’observation attentive me fit découvrir qu’il s’agissait de
paquets de chair rongés jusqu’à l’os, desquels s’arrachaient des lambeaux saignants
On négociait autant car, je l’appris plus
tard, Richelieu avait imposé que le pain soit vendu le jour même, obligeant en cela à concéder un rabais
pour ne pas avoir à jeter le surplus.
Je dus baisser la tête pour cacher mes larmes et, m’abandonnant à la prière, je confiai mon sort au
Tout-Puissant, suppliant que l’on vienne à mon aide ; que l’on m’envoie enfin un signe d’espoir.
J’avais regardé avec envie ce bourgeois
dont l’habit de velours, ourlé de soie fine, cachait un ventre rond et bien nourri. Pour rehausser sa taille
courte, il portait des bottes immaculées, car il ne marchait pas, usant pour faire le tour de son acquisition
d’une confortable voiture, attelée à deux chevaux blancs dont le sang vif et pur faisait saillir les muscles.
Ces bêtes valaient une fortune, bien plus que le profit de toute une vie de paysan. Pourtant, leur
propriétaire, racontait-on, avait été misérable. Lui ou son père. Les deux, peut-être, mais il avait su
s’élever. Au prix d’un travail acharné
Et Dieu m’apprit pareillement qu’il était préférable de ne
rien avoir, plutôt que de craindre de perdre ce qu’on avait cru pouvoir posséder