Le procès Papon : Un fonctionnaire de Vichy au service de la Shoah

En effet, pendant ses deux années à la tête du Service des Questions juives, Papon n’a jamais mis les pieds :
- au camp de Drancy, près de Paris
- au camp de Mérignac, près de Bordeaux
- à la synagogue où ont été parqués les Juifs raflés en janvier 44. La synagogue est à un quart d’heure à pied de la Préfecture !

Des échappatoires, il y en a eu. Une marge d’autonomie existait pour l’administration car elle existait pour le gouvernement. C’est le fondement de la collaboration.
Les Allemands notent dans leurs rapports : « La coopération de l’administration française a dépassé ce qu’on pouvait attendre d’un pays occupé. »
En terre chrétienne, la disparition des Juifs a toujours été un souhait général.
(Philippe Burrin, historien suisse)

Mais ce qui est grave, c’est que la cour n’a pas retenu la complicité d’assassinat. En d’autres termes, pour la cour, Papon ne savait pas que tous les Juifs qu’il déportait seraient assassinés et ce, malgré tous ces débats où Papon s’est si souvent trahi et a dévoilé sa connaissance du « sort cruel ». Les apôtres de Vichy auront beau jeu d’exploiter cette décision pour l’appliquer à Vichy. Mais déjà, la salle se vide. Tout est fini. Je passe devant Papon et observe une dernière fois le visage terrible du cynisme.

En 1942, la guerre change… la guerre devient une guerre d’extermination. Hitler décide de franchir le pas et d’exterminer les Juifs et la culture juive en Europe… le gouvernement de Vichy décide de coopérer à ce projet. Les Français en arrivent à fournir de leur propre initiative des Juifs de la zone sud où il n’y a pas de troupes d’occupation.
(Robert Paxton, historien américain auteur de « La France de Vichy »)

On nous avait dit : « De grands résistants vont venir soutenir Papon au procès. » En fait de résistants, c’est tout « Le Figaro magazine » qui a défilé à la barre. Membres de la haute finance, hauts fonctionnaires, patrons, tous sont venus soutenir un des leurs, un de leur espèce, de leur caste, de leur classe sociale. SANS RIEN CONNAÎTRE AU DOSSIER ! Où est la Résistance là-dedans ? Réaction féodale et automatique d’une classe habituée à diriger, venue faire la morale aux enfants des cordonniers, des chiffonniers et brocanteurs juifs de Bordeaux, déportés par Papon et exterminés à Auschwitz.

Il faut que chaque fonctionnaire français qui est chargé de s’occuper des Questions juives comprenne qu’en exécutant les ordres qu’il reçoit il se rend complice d’un crime et se fait l’aide des bourreaux allemands de Lvow et de Varsovie.
(BBC, 8 juillet 1943)

Comment, avec l’aide de la presse de la Libération, la chenille collabo Papon s’est transformée en une nuit en doryphore résistant. Le comble de la crapulerie : au meeting du Front national (de la Résistance) à Bordeaux le 7 septembre 1944, Papon prend la parole et rend hommage… aux déportés ! Le dernier convoi est parti en juin, c’est-à-dire trois mois plus tôt !

Les trois principaux acteurs des persécutions anti-juives à Bordeaux furent les SS du KDS, la préfecture et la SEC du commissariat général aux Questions juives. De ces trois intervenants, seule la préfecture détenait un fichier juif parfaitement à jour qui palliait les carences des fichiers incomplets des Allemands et de la SEC.
KDS : antenne régionale du SIPO-SD (police de sûreté allemande et service de renseignements et de maintien de l’ordre de la SS)
SEC : section d’enquête et de contrôle (ancienne police aux Questions juives.

Les parties civiles ont été choquées ! Elles ont été choquées que le mot liberté s’applique à celui qui est responsable de la déportation de personnes qui n’avaient d’autre tort que d’être juives, à celui qui n’a pas eu la moindre hésitation à déporter des bébés, des enfants, des hommes, des femmes, des grabataires pour les condamner à mort. (Maître Lévy)

À 87 ans, Papon pète la santé. Il se lève, s’agite dans tous les sens, pousse sa gueulante. Malgré les faits qui l’accablent, le vieux crocodile ne doute pas de son innocence et surtout pas de lui-même.