Citations sur Bianca (79)
Je ne voulais pas voir la maladie . Je détestais ce mot : anorexie . Il sonne acide, rêche et froid et fait mal à la gorge . Son image révulse . C'est le "réxie" , qui est dur à avaler , [..].
- Oui, j'aime les livres . Il n'y a pas de mal à ça, pas vrai?
- Non, il n'y a aucun mal à aimer quelque chose . Et je pense qu'aimer lire en est une bonne mais un livre par jour, c'est trop Bianca .
- Il n'y a rien à faire ici . En général , on reproche aux gens de ne pas assez lire , pas l'inverse . Avec vous, quoiqu'on fasse, c'est toujours mal .
- Ton cas relève de l'obsession . Tu lis pour ne pas penser . Tu te réfugies dans les livres , ce qui t'empêche d'avancer et de te concentrer sur toi .
Un jour , j'ai arrêté de manger . Je me suis enfermée dans une boite puis dans une autre . De plus en plus sombre . Je n'ai jamais trouvé ce qui s'y cachait . Peut-être qu'elles étaient vides .Peut-être que c'est ça mon problème . Le vide . Peut-être que je voulais simplement qu'on me voie, alors je me suis rendue malade . Peut-être que je ne trouvais pas de sens . Peut-être que je refusais de grandir . Peut-être que mes parents ont merdé quelque part .
Chez moi , c'est ma mère qui boit . A la maison, c'est toujours l'heure de l'apéro . le rhum de onze heures, le verre de vin en cuisine, le whisky de quatorze heures, le gin de dix-neuf heures et la vodka de vingt-trois heures . Elle dit que c'est son repas préféré. C'est pour rire mais moi, ça ne me fait pas rire .
Sa mère croit son mari [...]. Clara fugue . Clara couche . Clara boit . Clara se drogue.[...].
Ma fille se drogue et souffre de mythomanie . Le docteur Richard change le diagnostic . Beau-père pédophile/attouchements incestueux .
- Bonjour, mesdemoiselles.
- Non Édith, non. Il n'est pas encore huit heures.
- Huit heures moins dix, Clara. Je suis en avance de seulement dix minutes.
N'importe quoi, tu n'as rien compris, Édith. Dix minutes, c'est regarder la moitié d'un épisode de Friends, dire six cents fois "merde", embrasser quelqu'un de la tête au pied, faire l'amour, faire un bébé, boire un litre de jus d'orange, perdre des millions, sauter du six centième étage et s'écraser la tête contre le béton, rater une coupe de cheveux, écouter trois fois "All you need is love" des Beatles, tuer quelqu'un, épouser quelqu'un, faire exploser une bombe. Compte à rebours, dix minutes. Alors, non Édith. Une vie peut changer en dix minutes. Regarde, là, je pourrais très bien avoir un flingue et tuer toutes les personnes du service, toi y compris, prendre l'ascenseur, descendre les six étages et sortir de l'hôpital. Tout ça en dix minutes.
Il ne faut pas parler du temps comme ça.
Il est dix heures, je lis Baudelaire allongée sur mon lit. Le poison.
L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes,
Allonge l'illimité,
Approfondit le temps, creuse la volupté,
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l'âme au-delà de sa capacité.
J'entends Édith hurler. Un cri qui vous glace le sang, le même que celui que ma mère a poussé en me retrouvant gisant sur le sol de la salle de bains.
Clara et Raphaël sont en cours de relaxation. Moi je ne me sentais pas bien, le mal de ventre ça marche toujours. Et Simon revenait d'un rendez-vous avec le conseiller d'orientation. Vous savez, c'est ce mec qui ne sert strictement à rien, si ce n'est à semer le trouble dans votre esprit. C'est vrai, non ? Je me rappelle en avoir vu un en seconde. Je lui ai dit que j'aimais les livres et il m'a envoyée en section scientifique. Je lui ai dit que je ne me sentais pas bien au lycée et il m'a envoyée en section scientifique. A rien, je vous jure.
Elle est chiante . Oui, mais c'est ma mère (...)
Je refusais de manger. Ils ont fini par me poser une sonde afin de m’alimenter. Chaque soir, avant d’aller me coucher, un infirmier fait rentrer le tube par mes narines. Deux poches de liquide opaque me nourrissent. Le tube remplit mon estomac. Je ne connais pas son goût, j’imagine un lait concentré chimique saveur protéines, glucides, lipides, vitamines. Vers quatre heures du matin, un infirmier vient me changer les poches. Deux litres par nuit. Gavée, comme une oie. J’attends l’abattoir. Mon corps rejette le liquide, il a compris. Il goûte : oppression, soumission, détention, gavage, remplissage. Il dégoûte.
Je me retrouve seule dans le jardin sur le banc sous le magnolia. J’ai mal au cœur. Mais au moins, je ressens quelque chose. Et ça, c’est déjà bien.