La vieillesse pénétra mon corps comme le froid de l’automne pénètre les demeures…
J’entrepris de partir à la découverte de l’île et de ses curieux habitants… Je constatai en effet, en effet, l’étiolement de certains d’entre eux… Leurs peaux et leurs corps tout entiers devenaient diaphanes comme s’ils perdaient progressivement matière et réalité… […] Comme je le remarquai rapidement, les contacts n’étaient pas aisés : leurs propos semblaient souvent un peu décalés et eux-mêmes un peu absents, comme perdus entre leur vie passée et présente… entre enfance et sénilité…
Sottement, comme le font la plupart des vivants, j’imaginais ma vie fort longue, et me disais qu’il serait toujours temps de remédier à cet état… […] Toute ma vie, toute ma vie d’avant je veux dire, je n’ai fait que courir : après des affaires, des aventures, des femmes… Dès lors, le temps s’est comme suspendu, et tout se mélange un peu… Les regrets et les remords, les souvenirs et les rêves, la nostalgie… J’ai traversé l’existence comme qu’un de perpétuellement ivre… Ici, vois-tu, lentement nous dessaoulons…
Je te prenais pour une sorte de scribouilleur et j’avais tort ! Même avec ta plume, tu es un pirate… Tes mots donnent des coups de sabre et tes phrases saignent ! Ça sent le diable et la poudre !
- Ah ! N’as-tu donc pas rencontré la compagne qui te conviendrait ?
- Non… Enfin, je ne sais plus… Je l’ai peut-être rencontrée, mais je ne sais pas si c’est une femme ou un démon ! Elle me ressemble tellement !