De l'utilité des boîtes en plastique
Le nouveau roman de
Martine Roffinella nous entraîne dans l'univers impitoyable d'une agence de pub. Adulée puis rejetée, Sibylle ne va supporter sa mise à l'écart. Un conte cruel et édifiant.
Grandeur et décadence! Si «Sa Sainteté P.Y.», son chef, a surnommé Sibylle la «Reine de la pub», c'est qu'
elle était douée.
Elle a du reste connu son heure de gloire lorsqu'un Grand Prix lui a été décerné pour le slogan «
Conservez comme vous aimez», conçu pour faire vendre des boîtes en plastique. C'était la période où tout le monde la jalousait, où
elle voyait l'avenir en rose bonbon, où son franglais lui laissait entrevoir du high potential, où
elle était fit for future, où winning rimait avec earning.
Mais les bonnes choses ont un temps, surtout dans l'univers impitoyable de l'entreprise et particulièrement dans celui de la pub, comme
Frédéric Beigbeder nous l'a démontré avec
99 francs. Quand Capucine, la «Princesse commerciale», se dit qu'il lui faut pincer fort pour grimper dans ce panier de crabes, l'ascension de Sibylle va immédiatement s'arrêter. Pire même, comme sa collègue à désormais l'oreille du Directeur,
elle va réussir son entreprise de démolition et envoyer Sibylle pointer au chômage. Une fin aussi brutale qu'injuste, une violence économique qui va tout d'abord la laisser exsangue. Seules les petites pilules blanches qu'
elle prend à heure régulière rythment désormais sa vie. À la dépression viennent en outre se greffer quelques troubles obsessionnels du comportement. Mais comme à la roulette, quand rien ne va plus, la boule n'a pas encore trouvé la case dans laqu
elleelle s'arrêtera. C
elle de Sibylle s'immobilise dans la case «vengeance». Ceux qui ont juré sa perte se sont sans doute réjouit trop tôt. On a beau avoir les dents longues, cela n'empêche pas de se faire mordre à son tour. Et de qu
elle manière!
Mais je vous laisse découvrir ce plat qui se mange froid.
Revenons plutôt sur le style de
Martine Roffinella qui nous entraîne dans
une sorte de conte moderne particulièrement cruel, mais qui se goûte comme un bonbon acidulé. Derrière le sucre, l'amertume arrive sans prévenir. Derrière les mots du marketing, de la performance et du jargon publicitaire viennent se greffer ceux d'une femme blessée qui peu à peu reprend du poil de la bête pour finir en vengeresse impitoyable. Avec en filigrane quelques questions existenti
elles: l'entreprise peut-
elle fonctionner différemment dans un monde qui érige l'argent et le pouvoir comme seule mètre-étalon? le personnel est-il condamné à être constamment sous pression? La solidarité entre femmes ou entre collègues est-
elle définitivement à bannir du monde de l'entreprise? Faute de pouvoir y répondre, la romancière dresse un constat glaçant et donne à ses lecteurs des pistes de réflexion. Ce qui n'est déjà pas si mal, non ?
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