Citations sur Les inexistants (23)
Je chasse.
Pour me distraire, je repense à toi, au moment délicieux où j'ai enfoncé mon couteau dans ton nombril et où je t'ai ouvert le ventre. J'ai regardé tes tripes dégueuler sur le trottoir, et je t'ai forcée à regarder aussi, à patauger dans ton sang et ta merde qui se répandaient.
J'entends encore ta voix quand tu suppliais, quand tu implorais mon pardon, juste avant de crever.
Il n'y avait rien à pardonner, mais je te jure, j'ai pris mon pied.
La première fois, c'est vrai, j'ai trouvé que tuer était une chose difficile. Mais ensuite...
Ensuite, c'est comme pour tout. On y prend goût.
Pour guérir, il ne faut plus regretter, il faut laisser partir les fantômes qu’on ne peut pas retenir.
Mais l'humain peut être bon, Uruk. Il sait, pour peu qu'on l'y aide, pour peu qu'on le rassure à la manière d'un très petit enfant, ouvrir son cœur puis son âme, accorder sa confiance puis son affection.
Nous luttions contre la médiocrité de ce quotidien sans éclat. Nous faisions l'amour comme on pousse un cri, en rébellion contre l'existence et les hommes, contre la grandeur de notre histoire ternie par les. vicissitudes de la vie terrestre.
Il est las de ce foutu monde et des conflits des hommes. On n'échappe pas au Mal, la lutte est inégale, perdue d'avance, ici autant que chez lui. Il n'aurait peut-être pas dû chercher à échapper au destin que Dieu avait voulu pour lui. A Mossoul, au moins, il était quelqu'un, il avait un nom, et on le respectait.
S'il n'était pas parti... Il y pense, souvent, puis, parce qu'en pensée tous les rêves sont permis, il songe à ce qu'aurait été leur vie, à Yasmine et à lui, s'il n'y avait pas eu la guerre.
Que croyez-vous Noam ? Que Maxime et moi nous existons davantage ? Croyez-vous qu’elles comptent nos vies, que nos actions ont la moindre importance ? Bien sûr que non ! Nous pouvons modeler le monde à notre manière et à notre avantage, personne ne s’en rendra compte, personne ne s’en inquiètera, car nous n’avons ni poids ni réelle essence. Nous sommes des fantômes, Noam, voilà la vérité. Nous pouvons disparaître et renaître ailleurs, c’est notre rare privilège, à nous les sans-valeur , les insignifiants. A l’échelle du monde et des hommes, nous inexistons.
Tous les mêmes, songe-t’il, tous les mêmes, décidément. Cesser de croire en l’homme, au fond, n’était pas une si mauvaise décision
Ce monde n'est plus, et bientôt s'enfuira aussi le bonheur d'être avec lui, la connivence extrême qu'elle éprouve avec Noam, quand il la regarde, quand il lui sourit. C'est un sentiment d'évidence et de plénitude, et jusqu'à l'impression parfois, grâce fugitive, qu'avec cet homme à ses côtés, elle serait heureuse pour l'éternité. Il ne faut pas. Ça ne peut pas, et tant pis si Germaine dit le contraire. Germaine est vieille, usée par la vie, elle a cette naïveté agressive qui parfois habite les gens de son âge, qui voudraient obliger les jeunes à réaliser tous les impossibles dont ils ont rêvé.
Il était si beau, Noam, il avait l’air si… normal. Il me regardait avec ses yeux immenses, de ce gris particulier qu’a l’iris chez les nouveau-nés. J’ai compris alors ce qu’était l’amour d’un parent pour son enfant. J’ai su que je ne serais plus jamais seule et que je n’aimerais jamais personne comme j’allais aimer Micky.
Les échecs modernes sont dérivés du shatranj, un jeu perse que les Arabes se sont appropriés autour du IXe siècle, quand ils ont envahi l’actuel Iran. Vous le saviez ?