- Nous ne lui demanderons pas son avis.
- Elle vous le donnera. Je ne vous dis pas qu'elle fera des barricades. Ce n'est pas la mode du pays et nous manquons de pavés.
En trois mois, on fait du chemin. Et encore plus à la descente qu'à la montée.
Au fond, vous n'êtes pas si bête qu'on veut bien le dire.
Il est vrai que lorsqu'il construit sa ligne de chemin de fer, l'ingénieur ne se demande pas ce qu'en pense le médecin de campagne.
Vous ne pensez qu'à la médecine... Mais le reste? Ne craignez-vous pas qu'en généralisant l'application de vos méthodes, on n'amène un certain ralentissement des autres activités sociales dont plusieurs sont, malgré tout, intéressantes?
Je vous accorderai qu'il faut des gens bien portants, ne serait-ce que pour soigner les autres, ou former, à l'arrière des malades en activité, une espèce de réserve. Ce que je n'aime pas, c'est que la santé prenne des airs de provocation, car alors vous avouerez que c'est excessif. Nous fermons les yeux sur un certain nombre de cas, nous laissons à un certain nombre de gens leur masque de prospérité.
Votre objection me fait penser à ces fameux économistes qui prétendaient qu'une grande guerre moderne ne pourrait pas durer plus de six semaines. La vérité, c'est que nous manquons tous d'audace.
Rien ne m'agace comme cet être ni chair ni poisson que vous appelez un homme bien portant.
J'aime mon métier; et j'aime à me sentir utile. Je trouve plus de plaisir à tirer le collier qu'à ronger mon frein. Simple question de tempérament.
Si les gens en ont assez d'être bien portants, et s'ils veulent s'offrir le luxe d'être malades, ils auraient tort de se gêner. C'est d'ailleurs tout bénéfice pour le médecin.