Knock ou Le triomphe de la médecine

Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent.

Enfin, si les gens en ont assez d'être bien portants, et s'ils veulent s'offrir le luxe d'être malades, ils auraient tort de se gêner. C'est d'ailleurs tout bénéfice pour le médecin.

J’ai suivi les conseils de ce gros béta de notaire, au demeurant le meilleur des hommes. Mais je le crois moins lucide que le guéridon de sa chère femme, qui, comme vous le savez, servit quelque temps de truchement aux esprits.

Knock : Tomber malade, vieille notion qui ne tient plus devant les données de la science actuelle. La santé n’est qu’un mot, qu’il n’y aurait aucun inconvénient à rayer de notre vocabulaire. Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints de maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide. Naturellement, si vous allez leur dire qu’ils se portent bien, ils ne demandent qu’à vous croire. Mais vous vous trompez. Votre seule excuse, c’est que vous ayez déjà trop de malades à soigner pour en prendre de nouveaux.

Le docteur Knock en discussion avec l’instituteur Bernard
― Je sais bien que sur tous vos clichés, tous ces microbes sont en reproduction. Mais enfin…
― Pour ceux que notre première conférence aurait laissé froids, j’en tiens une autre, dont le titre n’a l’air de rien : « Les porteurs de germes. » Il y est démontré, clair comme le jour, à l’aide de cas observés, qu’on peut se promener avec une figure ronde, une langue rose, un excellent appétit, et receler dans tous les replis de son corps des trillons de bacilles de la dernière virulence capables d’infecter un département. Fort de la théorie et de l’expérience, j’ai le droit de soupçonner le premier venu d’être un porteur de germes. Vous, per exemple, absolument rien ne me prouve que vous n’en êtes pas un.

― Vous êtes constipée ?
― Oui, assez
― Baissez la tête. Respirez. Toussez. Vous n’êtes jamais tombée d’une échelle, étant petite ?
― Je ne me souviens pas ;

Knock lui palpe, lui percute le dos, lui presse brusquement les reins.

― Vous n’avez jamais mal ici le soir en vous couchant ?
― Oui des fois.
― Essayez de vous rappeler. Ça devait être une grande échelle.
― ça se peut bien.
― C’était une échelle d’environ trois mètres cinquante, posée contre un mur. Vous êtes tombé à la renverse ; c’est la fesse gauche, heureusement, qui a porté.
― Ah oui
― Vous aviez déjà consulté le docteur Parpalaid ?
― Non jamais.
― Pourquoi ?
―Il ne donnait pas de consultations gratuites ;
― Vous vous rendez compte de votre état ?
― Non
― Tant mieux. Vous avez envie de guérir, ou vous n’avez pas envie ?

Le docteur- le double au moins.
Knock-la population est pauvre.

Acte premier, page 28

Attention. Ne confondons pas. Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous grattouille ?

Tous vos bagages sont là, mon cher confrère ?

Madame Parpalaid, — D'ailleurs, les gens viennent
presque toujours pour une seule consultation.
Knock. — Hein .^ Madame Parpalaid. — Mais oui. Le docteur Parpalaid prend des airs distraits. Knock. — Alors, qu'est-ce que vous faites des clients réguliers ? Madame Parpalaid, — Quels clients réguliers ? Knock. — Eh bien ! ceux qu'on visite plusieurs fois par semaine, ou plusieurs fois par mois ? Madame Parpalaid, à son mari. — Tu entends ce que dit le docteur ? Des clients comme en a le boulanger ou le boucher ? Le docteur est comme tous les débutants. Il se fait des illusions. Le docteur, mettant la mttin sur le bras de Knock. — Croyez-moi, mon cher confrère. Vous avez ici le meilleur type de clientèle : celle qui vous laisse indépendant.
Knock. — Indépendant ? Vous en avez de bonnes